Joyeux Noël à tous!
Le 28 novembre, l’E.R.1 quittait la douce Saverne et descendait sur Strasbourg qu’il atteignait le même jour.
Si l’accueil de Paris à la 2° Division Blindée fut superbe, celui de Strasbourg toucha au délire : les façades des maisons disparaissaient sous nos trois couleurs et les Strasbourgeois ne savaient par quelle manière témoigner leur joie et leur reconnaissance.
Les orfèvres étaient invités à dîner dix fois par jour.
Nous avons l’impression que les charmantes Strasbourgeoises commirent plus de dégâts parmi les cœurs de nos guerriers que toutes les Marocaines, Algériennes, Anglaises, Normandes, Parisiennes et Lorraines réunies.
L’Atelier était installé dans une usine de montage de projecteurs et de tables d’écoute, située en l’un des faubourgs de la capitale Alsacienne : Koenigshoffen.
Il est évident que, vivant dans une telle ambiance enthousiaste, les métallurgistes ne pouvaient espérer goûter des nuits sereines ; mais l’Atelier connut, à Strasbourg, un rendement jamais égalé, en vertu de ce vieil adage militaire qui affirme que tout va très bien lorsque l’on satisfait la gueule et la chose.
En fait, les fontaines déversaient des flots de Traminer, de Rickvir et de Risling et tous les sommiers de Strasbourg gémissaient sous les démonstrations sentimentales de la D.B. et de l’Alsace unies en une incomparable ardeur.
Noël est toujours célébrée avec ferveur en Alsace et la D.B. eut la bonne fortune d’y fêter celle de 1944.
En la seule ville de Strasbourg, il fut récolté trois fois plus de colis qu’il n’en avait été sollicité.
L’E.R.1 réveillonna sur place, comme de coutume, mais, cette fois d’agréables sourires comblèrent d’enchantement nos métallurgistes et les deux pôles de la Cythère Alsacienne : Koenigshoffen et Neudorf accordèrent une hospitalité généreuse à leurs amours.
Lorsque les Américains décrochèrent de Bitche et de Sarreguemines, la D.B. décolla pour aller « colmater » (comme on dit) le coin de Sarre-Union.
Les Panzers, par une audacieuse manœuvre, menaçaient le col de Saverne et tentaient d’isoler Strasbourg.
Alors, il advint cette curieuse aventure que l’E.R.1 était tellement accroché à Strasbourg (son Capitaine y aidant d’ailleurs), que la Capitale Alsacienne se trouva, dès le 2 janvier 1945, seulement défendue par un peloton de gardes-mobiles et le vieil A.L.6 qui comptait alors 200 ouvriers et une centaine de subsistants en attente de leur matériel.
Mais il y avait, en atelier, 40 chars ou semi-chenillés, incapables pour la plupart de rouler, mais qui représentaient quand même un nombre égal de bouches à feu, et les orfèvres étaient bien décidés, avec optimisme, à montrer aux citoyens d’en face la manière de s’en servir.
Et l’on put voir ce spectacle touchant, -que ne relèvera certainement aucune pièce officielle-, et qu’a si bien traduit un vieil Alsacien : Durant quarante-huit heures, tout Strasbourg se retrouva à Koenigshoffen.
L’Atelier ne quitta la ville que le 4 janvier, à 9 heures du matin, salué par le sourire voilé de tristesse des Strasbourgeois.
Il laissait sur place ses deux seuls chars de protection et leurs équipages.
Le drapeau Français flottait toujours à Strasbourg.
Et la 1ère Armée releva la D.B., appelée à d’autres tâches.
A Koenigshoffen, l’E.R.1 avait réparé 38 chars et 94 véhicules.