Robert WASSON, tué à BOCQUEGNEY.
Texte et images de O. GERARDIN
Voici le texte lu par votre serviteur et ami de la 2° D.B lors de la cérémonie du 14.09.2003 à BOCQUEGNEY.
"14.09.2003 - 15.09.1944 quasi 59 ans jour pour jour que BOCQUEGNEY était libéré par la 2 D.B du général LECLERC.
Mais cette libération coûta la vie à Robert WASSON.
Il était l'un des 5 membres d'équipage du char ARGONNE et n'eut pas la chance de s'en sortir comme ses 4 autres camarades.
A travers ce petit récit qui j'espère retiendra votre attention, je vais tenter de nous faire revivre la dernière journée du char ARGONNE détruit ici à BOCQUEGNEY et de ses occupants.
Vendredi 15 septembre 1944, la 2° D.B se trouve positionnée entre :
- VITTEL avec le colonel DIO.
- DOMPAIRE et ses environs avec le colonel DE LANGLADE et qui vient avec le cdt MASSU de livrer une épique bataille de chars. D'ailleurs, les allemands se replient en désordre sur EPINAL.
- Et HYMONT avec le colonel BILLOTTE.
C'est donc de là que nous allons partir.
BILLOTTE confie à l'un de ses officiers le cdt DE LA HORIE qui a passé la nuit à VELOTTE et TATIGNECOURT d'occuper NOMEXY, de constituer une tête de pont à CHATEL (ce serait ainsi la première pointe alliée à l'ouest de la Moselle).
Pour ce faire (les anciens se reconnaîtront), il lui laisse la 9° cie du III° RMT, des éléments du 13° bataillon de génie, du 3° RMSM, des chars de 105 mm et la 3° cie du 501° RCC du capitaine BRANET, qui ne possède plus dans sa cie que 9 chars sur 17 dont le sien ARGONNE, les autres détruits dans les engagements antérieurs n'ont pas été encore remplacés.
L'itinéraire est MATTAINCOURT, AHEVILLE, JORXEY, GUGNEY aux AULX, BETTEGNEY ST BRICE.
A 08 heures précise, le capitaine BRANET se met en marche depuis HYMONT.
Il est envoyé en éclaireur à CHATEL mais sans son char ARGONNE que DE LA HORIE conserve et confie au sgt WILKINS).
Pendant ce temps, DE LA HORIE évolue plus lentement en arrière avec le gros de la troupe.
Un regroupement s'effectue d'ailleurs à AHEVILLE à 08 H 45.
Vers 10 h 45, un messager de l'E-M porte un message pour DE LA HORIE,
mission :
constituer une petite colonne et se porter plus au sud, harceler les flancs de l'ennemi qui oppose une violente résistance à DOMPAIRE.
Arrêt de 11 h à midi entre BETTEGNEY St BRICE et NOMEXY.
Quelques obus allemands tombent à côté de la colonne.
A midi, DE LA HORIE (qui se fera tuer plus tard à BADONVILLER) se porte à l'entrée ouest de NOMEXY en surveillance.
Vers 14 heures, le commandant DE LA HORIE part pour BOCQUEGNEY avec neuf chars dont ARGONNE, trois chars 105, une section d'infanterie, une batterie d'artillerie américaine.
La colonne avance rapidement par les petits chemins : NOMEXY, ST- VALLIER, BOUXIERES aux BOIS, où deux auto-mitrailleuses allemandes sont passées trois quart d'heure plus tôt.
L'artillerie de la colonne se déploie et s'installe à VIRINE.
Le reste pousse jusqu'au croisement de routes et aux lisières des bois situé à 1 km au N.O de BOCQUEGNEY (poteau de CIRCOURT), il est 14 H 50.
Trois chars (dont ARGONNE) et un Half Track d'infanterie atteignent leur objectif c'est à dire la crête au sud qui domine BOCQUEGNEY et sont placés en surveillance. Le plus grand calme règne dans le secteur, c'est d'ailleurs trop calme, quand quelques projectiles viennent couper les branches au-dessus des têtes du cdt De La Horie et du cpte DRONNE restés au carrefour.
Pas d'explosion, il semble que les coups viennent de par derrière, du côté de VIRINE.
Pendant ce temps, l'artillerie de DE LANGLADE à DOMPAIRE tire sur les bois au sud de DARNIEULLES, des fantassins allemands en sortent en courant :
ARGONNE tirent sur eux à coup de 75 explosifs.
A 15 H 50 exactement l'équipage du char ARGONNE , de la 3° cie du 501° RCC, entend un bruit extraordinaire, qu'il ne s'explique pas :
c'est en fait un obus perforant qui vient de rebondir sur le blindage.
JOURDAIN, le conducteur s'en aperçoit, veut mettre en marche arrière, TROP TARD, un deuxième obus atteint le char. ARGONNE est trop avancé sur la crête et flambe aussitôt. Il a été tiré par un anti char allemand de 88 placé au bois des taons qui se replie en débandade depuis DOMPAIRE.
Les hommes du sergent PUJOL, Manu LOPEZ de son char LA MARNE ont tout vu et se portent au secours de l'équipage qui commence à brûler, des villageois viendront également. (Manu LOPEZ devait être là aujourd'hui mais des problèmes de santé l'ont retenu à LYON).
Les trappes du char ont été endommagées par le feu ennemi, et le " trou de l'homme " inefficace, le char est enlisé dans la boue. JOURDAIN le pilote a en effet tout tenté pour sauver le char malgré sa position à couvert.
Le Sherman commence à exploser. 1 indemne et 3 brûlés sont extirpés péniblement grâce à une tranchée creusée sous le char pour accéder au trou de l'homme, reste un 5° homme, le 2° classe Robert WASSON tué sur le coup qui faute de ne pouvoir être retiré à temps du char, brûlera à l'intérieur.
Les blessés sont chargés sur l'half track du sergent PUJOL et évacué à toute vitesse sur une ambulance qui est derrière.
Le chef de char était ce jour là en remplacement du capitaine BRANET, le sgt WILKINS blessé, pilote JOURDAIN dit le rouquin blessé, tireur GOSSELAIN blessé, radio-chargeur RINGENBACH André, indemne, qui repartira remplacé le radio-chargeur du char Hartmannswillerkopf - tué à REMONCOURT deux jours plus tôt.
Il ne du son salut qu'au fait que quelques instants avant l'attaque, il venait de sortir d'ARGONNE pour aller chercher une bricole dans son paquetage et aide-pilote Robert WASSON, tué.
Pas d'autres renseignements sur l'ennemi, plus d'ordre, c'est le vague.
Ne connaissant pas les forces ennemies en présence à BOCQUEGNEY, il est envisagé d'attaquer le village mais à 16 heures, un messager donnera pour ordre de prendre un axe MAZELAY - FOMEREY -DARNIEULLES, où la colonne se fera accrochée par des mortiers allemands à GIGNEY.
Le périple continuera via CHATEL - BACCARAT -BADONVILLER - DABO- SAVERNE et STRASBOURG.
J'en ai fini avec le récit de cette journée du 15.09.44 et de cet unique combat de char sur le territoire de la commune de BOCQUEGNEY.
J'ajouterai juste ces quelques mots.
Un homme de 22 ans : Robert WASSON s'était engagé 3 semaines plus tôt à PARIS.
Il a laissé ici sa vie, une jeune veuve (marié depuis 9 mois) et des parents seuls puisque fils unique.
Originaire de CANDRY (Nord), il prend part au maquis mais poursuivit par le STO, il revient à PARIS où sont ses parents.
Il veut faire alors son service militaire et pense qu'en s'engageant dans la 2° D.B, la chose sera faite.
Il espère aussi ne pas être trop éloigné de sa jeune épouse.
Il en sera autrement et paradoxe sa classe sera exempté de service militaire. Il fut tout d'abord inhumé au cimetière d'HENNECOURT puis exhumé rapidement par sa veuve et ses parents à NEUILLY. Alors lui et combien d'autres ont combattu avec courage, voir jusqu'à sacrifié leur vie pour notre liberté.
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