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11 août 1944 - LE DRAME.
Après avoir libéré vers 10 h 30 le village de
René nous approchons du carrefour de Les Mées lorsque les éléments de reconnaissance du 1er RMSM signalent une nouvelle concentration d'antichars ennemis dans les bois de Louvigny, après avoir eu des chars légers et des automitrailleuses endommagés ;
Les chars légers se mettent alors en retrait pour laisser la place à l'infanterie d'accompagnement du IIe /RMT pendant qu'un violent tir d'artillerie est demandé, puis exécuté, en attendant une action aérienne éventuelle de l'Air Support US.
Le 3e Peloton du 3e Escadron du 12e RCA, de mon ami l'Aspirant NOUVEAU est dirigé vers les positions allemandes que l'on suppose disloquées par les tirs d'artillerie.
C'est alors que je reçois l'ordre de placer mes 2 chars, de 105 m/m PIC D'ANIE et LA RHUNE en position de tir pour protéger la progression de l'avant-garde blindée.
Posté à la lisière d'un verger j'exécute ma mission de tir lorsqu'un premier obus antichar allemand atteint
les chenilles de mon char PIC D'ANIE.
Immobilisé et ne pouvant plus mettre le char à couvert, je n'ai pas le temps de repérer l'adversaire ni de commander l'évacuation de l'équipage qu'un second obus
frappe le char de travers, sous la tourelle, blessant mortellement au passage mon tireur Pierre CAZEAUX et le radio Marc SERRUYA et blessant d'éclats de blindage le co-pilote Roger PETROCCHI qui, au premier coup, avait quitté le char pour constater le déchenillage.
Ce second perforant, traversant de part en part le char, m'a, par miracle, frôlé de quelques centimètres sans m'atteindre mais je suis gravement brûlé par la chaleur de l'explosion et l'incendie qui se déclare.
Je réussis à sortir seul du char en flammes et me retrouve en caleçon et en maillot de corps, mon treillis carbonisé tombant en poussière.
Nous n'avions malheureusement pas encore perçu les combinaisons
ignifugées qui auraient certainement limité les dégâts.
Mes bras, mains et jambes sont boursouflés, je suis choqué mais ne souffre pas.
Mon pilote Jacques LESIEUR, sorti indemne, m'aide à quitter mon harnachement : casque, jumelles, ceinturon et pistolet.
Il m'aide à gagner le bord de la route, derrière ma position de tir, et repart s'occuper de ses autres camarades.
Les quelque 200 mètres et les couverts qui me séparent de l'ennemi ne lui permettent pas de m'achever à la mitrailleuse ou au lance-flammes.
D'ailleurs, profitant de l'effet de surprise, l'antichar se permet encore d'envoyer un 3ème obus dans le PIC D'ANIE et deux autres en direction de LA RHUNE,
endommageant mon second char et blessant l'Adjudant GELLIBERT.
J'aurai par la suite confirmation de la mort de mes 2 hommes de tourelle Pierre CAZEAUX et Marc SERRUYA (Pierre, le jour anniversaire de ses 20 ans !).
Quant à mon pilote Jacques LESIEUR, sorti indemne de ce premier engagement, il sera tué, deux semaines plus tard devant Paris.
Evadé de France par l'Espagne, il avait réussi, sur la route vers Paris, à joindre ses parents par téléphone de son arrivée imminente.
Hélas, il ne les a jamais revus.
J'apprendrai aussi que l'antichar qui m'a attaqué était tellement bien camouflé qu'il avait pu laisser passer, sans réagir et sans être vu, les véhicules de reconnaissance et le peloton de chars moyens du 3ème Escadron, guettant une proie plus importante et à
meilleure portée.
Après son intervention il profitera de l'effet de surprise pour se replier sur une nouvelle position d'embuscade.
Enfin démasqué, c'est par mon ami l'Aspirant NOUVEAU, ex-Cadet de la France Libre
promotion "Fezzan et Tunisie", qu'il sera détruit le jour même.
Alençon sera atteint le soir du 11 et libéré le 12 août par la 2e DB sans que cette belle ville normande subisse de destruction.
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