Colonel Pierre DEBRAY Souvenirs (3 et 4) 1934/1940 - /p.62
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Je n'allais pas tarder à éprouver la qualité des uns et des autres.
Le 21 nous nous étions tous retrouvés à Cirey.
J'avais vu chacun et je prenais mon premier repas avec mon E.M. quand parvint l'ordre de mise en route.
Tout le G.T.V. allait franchir les Vosges, les trois sous-groupement à la queue leu leu ; je fermais la marche et, ce qui m'inquiétait fort, toute unité
n'ayant pas dépassé Dabo à 16h devait s'arrêter sur place et ne reprendre le mouvement que le 22 au jour ...
Dans l'immédiat et malgré ma confiance dans mes subordonnés j'avais quelque inquiétude sur la façon dont chacun passerait dans les temps au point initial, car je savais que la D.C.R52 serait sans pitié et bloquerait tout retardataire.
Aussi je poussais un ouf quand je sus tout mon monde passé, et tout allant normalement.
C'est alors, un clou chassant l'autre, que je passai mon temps à regarder ma montre car ça n'allait pas vite et l'heure tournait, tournait bien plus vite que nous ne nous rapprochions de Dabo.
Nous y fûmes enfin, près d'une demi-heure avant l'heure fatidique - ou du moins j'y fus à hauteur des premières maisons et il y avait toute la ville à traverser - et derrière moi j'avais tout le sous-groupement ... et puis catastrophe ... tout s'arrêta et va savoir ce qui se passe devant.
Curieusement dès que 16h furent dépassés je n'eus plus aucune anxiété - et quand la marche put reprendre, je ne pensai même plus à regarder ma montre ! !
Tout le monde suivait et vers 19h, nous nous arrêtions à Birkenwald premier village du Bas-Rhin libéré.
Au château, Guillebon fut rejoint par Leclerc, et je fus reçu par des braves gens, un garde-chasse, où il y avait sur un meuble la photo d'un général d'avant 70, propriétaire du château.
C'est alors que Guillebon me dit "eh bien, Debray, pour vous remettre sur vos jambes, demain vous prendrez Marmoutier, et vous aurez Dâ (3/R.M.S.M.) en renfort".
Et le 22 (Novembre 1944) je pris
Marmoutier ! L'ancien maire, le Docteur Scheffer fut rétabli dans ses fonctions - et je fus accueilli par 2 vieux ménages, beaux-frères et belles-sœurs, (famille Lerch) habitant la même maison et qui nous firent un somptueux dîner !
Dans l'après-midi alors que je commençais une sieste bien gagnée, je fus réveillé par mes deux phénomènes : Menonville et Ponsard : fascinés, et il y avait de quoi, par la forte personnalité de La Horie, ils avaient pris au sérieux toutes ses boutades - entre autres celle où il se promettait de débaptiser toutes les rues ou les places aux noms allemands - et tout de même gênés, ils venaient me dire qu'ils avaient prévu pour l'après-midi une prise d'armes en présence du maire et de la population pour donner le nom de La Horie à la place devant l'église.
J'étais furieux car bien entendu ils avaient mis le Maire devant le fait accompli sans lui demander son avis.
Tout se passa au mieux - je fis un laïus.
Et vers 16h 30 j'étais convoqué au P.C. du G.T.V. Guillebon, qui venait de recevoir les ordres à la Division, nous les communiqua "Demain nous prenons Strasbourg".
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