Vers 13 heures, constitution d’une colonne aux ordres du commandant de La Horie.
Composition :
le détachement Dronne en entier (moins le canon antichar de la 2e section mis à la disposition du capitaine Geoffroy),
la section Michard de la 2e compagnie du 501e au complet (5 shermans);
les obusiers de 105 du 501e;
une batterie d’artillerie américaine.
Mission :
aller harceler les flancs de l’ennemi en direction générale de Dompaire, où s’est déroulée une importante et violente bataille de chars.
A partir de Nomexy, notre colonne fonce rapidement sur de petits chemins en direction du sud; elle traverse Saint-Vallier et
Bouxières-aux-Bois, où deux grosses automitrailleuses allemandes viennent de passer.
Les artilleurs s’installent sur la côte 400, dans une excellente position de tir.
Nous avançons jusqu’au croisement de routes, en lisière des bois, à environ un kilomètre et demi à l’ouest de Bocquegney.
Il est 14 h 50.
Deux Sherman et un half-track vont se poster contre la crête qui domine Bocquegney.
L’artillerie du G.T.D. pilonne les bois au sud de Darnieulles, à notre gauche.
Des groupes de fantassins allemands jaillissent des couverts.
De la crête que nous occupons, nos deux chars les arrosent à obus explosifs.
Pas de renseignements sur l’ennemi.
Pas d’ordres.
Nous sommes dans le vague.
Il est près de 16 heures.
Enfin, quelques A.M. et jeeps des spahis se pointent.
C’est la liaison envoyée par le colonel de Langlade commandant le G.T.L.
Elle apporte l’ordre du général Billotte de se tenir prêt à 15 heures (avec une heure de retard!) pour foncer vers l’est, en direction de Mazeley, Gigney, Fomerey, où, précise-t-il, « il y a du boche ».
15 h 50 exactement : le char Argonne, de la 3e compagnie du 501e, est atteint par un obus tiré de loin par un antichar allemand, un 88 sans doute.
Il s’est un peu trop avancé sur la crête.
Il commence à flamber.
Les Espagnols du sergent Pujol volent au secours de l’équipage.
Du char qui brûle et commence à exploser, ils extirpent avec peine quatre gars : un est indemne, trois sont gravement blessés.
Impossible de sortir le cinquième membre de l’équipage, Robert Watson, qui est mort.
Pujol fait charger les blessés sur son half-track et les évacue à toute vitesse sur une ambulance qui est derrière.
Et il revient à vive allure reprendre son poste de combat.
Notre colonne se reforme, repasse à
Bouxières-aux-Bois, arrive à Mazeley, se déploie en ordre de bataille et fonce sur Gigney, où il n’y a plus d’Allemands.
Mais il y en a beaucoup en face, à Fomerey et vers Darnieulles.
Le half-track de commandement démolit à la 12,7 un camion et un motard qui filent au couvert d’une haie.
A Gigney, l’artillerie allemande nous canarde; beaucoup d’obus atterrissent par miracle entre nos véhicules; les autres tombent à l’écart.
Beaucoup de vacarme, pas de mal.
Nos artilleurs américains ripostent et arrosent copieusement un piton où doit se trouver un observatoire.
A Gigney, nos chars se postent en base de feu et appuient à obus explosifs les fantassins qui avancent à pied vers Fomerey.
Entre Gigney et Fomerey, des fantassins allemands – cent cinquante à deux cents – se lèvent et détalent rapidement.
Nos chars les arrosent à coups répétés de 75 explosifs; beaucoup tombent.
Nous recevons en compensation des tirs d’artillerie, heureusement mal ajustés.
Il sera bientôt 19 heures.
Le commandant de La Horie estime que sa mission est achevée et ordonne le retour à Nomexy.
La bataille de chars de Dompaire s’est terminée, apprenons-nous, par une victoire totale, grâce à l’intervention massive de l’aviation américaine.
Nous rejoignons Nomexy vers 20 heures.
J’installe mon détachement, amputé du char perdu dans l’après-midi, au même endroit que ce matin, avec la même mission, en surveillance face à l’ouest et au sud-est.
(Raymond DRONNE-Carnets d’un croisé de la France Libre)
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