| | Spahi Roger MARION (3/3/1er RMSM) | |
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Jean PFLIEGER Rang: Administrateur
Nombre de messages : 1784 Age : 60 Localisation : HAUTES-ALPES Date d'inscription : 15/02/2012
| Sujet: 24 août 1944 Dim 24 Aoû 2014 - 12:54 | |
| Jeudi 24 août 1944De FORGES-LES-BAINS (ou plutôt LES DOUCHES!), direction de FONTENAY-LES-BRIIS, d'où nous partons vers 7 heures du matin. Petite reconnaissance vers ORSAY. Mais l'objectif est LONGJUMEAU. Traversée de FRETAY et de LA POITEVINE sans incident. Par contre, l'entrée de VILLEJUST est bloquée par un barrage fait de matériel agricole. Deux soldats allemands sortent du fossé qui est à notre droite. Ce qui nous fait de la main d'œuvre pour démolir le barrage. D'autres Allemands nous accueillent. Pendant que le reste du Peloton s'en occupe, nous continuons. La route descend à travers un petit bois. Tout à coup, la "Simone" est encadrée d'obus de mortier. Inutile de persister. René rend compte par radio. Nous entendons la voix de Bernard: "Arrête le tir, Fonfon. Tu es en train d'azimuter "l'A.M. de pointe!" En effet, une des deux Jeep-mortier du Peloton nous préparait la route, sans penser que nous irions aussi vite. Le calme revient. Nous reprenons la progression. À la hauteur de LA VILLEDIEU, des Allemands abandonnent leus deux camions au milieu de la route. Nous les dégageons et nous entrons dans SAULX-LES-CHARTREUX. Les Allemands sortent de partout, se rendent. Les civils font aussi leur apparition. Laissant au Peloton le soin de faire les prisonniers, nous continuons vers LONGJUMEAU, tout proche. À l'entrée de la localité, la petite route arrive sur la Nationale 20. La Porte d'Orléans n'est plus qu'à une quinzaine de kilomètres. Je tourne donc à gauche sur cette R.N.: tout un convoi de camions allemands arrêtés encombrent la route. La rapidité de tir de P'tit LOUIS est efficace. Mais, en même temps le moteur de l'A.M. tousse, et s'arrête. Impossible de remettre en route. P'tit LOUIS continue son tir. Guy l'accompagne de sa carabine. Par radio, René rend compte à Bernard: le Peloton est encore à SAULX-LES-CHARTREUX, même l'A.M. de PICOT, notre chef de patrouille! Les Allemands ne se doutent pas que nous sommes en panne et seuls: quatre contre plusieurs dizaines qui ne tardent pas à se rendre. Heureusement, le Peloton arrive sans tarder. Il est 9h30. La captivité va commencer pour un certain nombre d'Allemands. Les civils sortent de leurs maisons. Nous commençons la distribution de cigarettes et d'autres denrées récupérées dans les camions que les Allemands ont abandonnés. Il y a même des billets français qui nous serviront dans quelques jours à nous offrir du champagne au Racing du Bois de Boulogne. Le Peloton continue en direction de PARIS, tandis que je recherche la cause de la panne. C'est tout simplement un souvenir du plein d'essence fait la nuit précédente sous la pluie de FORGES-LES-BAINS. Il faut le temps de nettoyer filtre, tuyauterie et carburateur remplis d'eau. Pendant ce temps, le Peloton a été suivi du Peloton GERBERON, et d'autres éléments du 501 et du RMT. Le moteur repart et nous essayons de doubler la colonne pour rejoindre le Peloton. L'artillerie allemande prend la route sous son tir. Et à la sortie de LONGJUMEAU, René aperçoit, plus ou moins camouflés dans du gravier, deux petits chars magnétiques (Goliath *, je crois). ————— Note: * Description du Goliath sur Wikipédia. —————Plus loin, il y a de la casse au Peloton GERBERON. Le Lieutenant venait de descendre de son A.M. quand un obus (probablement du 88) traverse la tourelle et… le Brigadier-Chef JOULAIN. Nous rejoignons le Peloton à l'entrée du PETIT MASSY. Il pleut toujours. Une barrage bloque la route. Barrage miné qui coûtera la vie à une dame qui a voulu le traverser. Vers midi, nous sommes arrosés par un antichar vers lequel nous sommes envoyés en reconnaissance. À coups de fumigènes, le 501 a établi un brouillard sur la route que nous suivons. À peine sorti de ce brouillard, Guy repère la maison d'où vient ce tir. Demi-tour pour rejoindre le Peloton. Guy donne les coordonnées. La fumée se dissipe et le mortier de MAISONNIER se met en action. Au 3èm obus, Robert MAISONNIER, toujours flegmatique, ne voyant pas l'impact des obus, s'adresse à TOUTOU (Paul THOUELLE, son tireur): "Dis donc! Tu ne pourrais pas les dégoupiller avant de les envoyer?". Et le tir-mortier devient efficace, ce qui nous permet de repartir en pointe pour arriver, dans ANTONY, au dernier carrefour où la R.N. 20 se trouve dans l'axe du canon de 88 * installé à la CROIX DE BERNY. ————— Note: * Description du 88 sur Wikipédia. —————Il est environ midi. L'accueil des antoniens et plus encore des antoniennes est délirant. Quelques bouteilles, mais surtout des embrassades, ce qui fait dire par P'tit Louis à une jeune fille: "Mademoiselle, vous avez embrassé un curé" (J'étais séminariste à l'époque). Des chants patriotiques retentissent aussi. Certaines paroles sont d'actualité: "Mourir pour la Patrie, c'est le sort le plus beau, le plus digne d'envie". Ce qui fait dire encore par P'tit Louis: "Eh bien, venez prendre notre place!" De temps à autre, des obus éparpillent la foule. ————— Les automitrailleuses "SIMONE" et "LONGCHAMPS" sont stationnées devant la maison du Docteur THOUVENEL sur la RN 20. Roger MARION entre deux antonienes nous regarde.
(Collection Laurent FOURNIER).
Toujours devant la maison du docteur THOUVENEL: à gauche et de dos, deux spahis non identifiés, au fond, on discerne le visage du Brigadier-chef Pierre JAMIN, à droite le Maréchal des Logis René TROËL (de profil) puis Robert BOISDRON.
(Photo Paul PATY, Collection Laurent FOURNIER)
—————Vers 16h00 ou 17h00, le Lieutenant-Colonel PUTZ, commandant notre sous-groupement, arrive près de notre A.M.: "Les spahis, foncez sur la CROIX DE BERNY!" P'tit Louis et René sont en train de vider un verre dans les environs. Je me permets de dire au colonel: "Il y a un 88 au carrefour et il nous envoie ses pélots depuis le matin. — Allez-y! Les chars du 501 vous protègent sur la droite." René et P'tit Louis arrivent à leur tour, reprennent place en tourelle. Moteur en route. Il est peut-être utile de rappeler que, lorsqu'on fonce sur un antichar, la tactique est de faire des zigzags irréguliers pour dérouter le pointeur d'en face. La rue est large, encombrée çà et là du résultat des tirs du canon. L'A.M. prend de la vitesse, 25, 40 miles (plus de 60 km/h). Je passe en quatrième. Le canon nous laisse approcher. Guy me met en garde: "Attention! À droite. Des fils de lampadaires. Ils vont les recevoir dans la tourelle." Depuis le matin, les tirs du 88 avaient endommagé les lignes électriques et les suspensions de l'éclairage central de la route. Je braque brutalement à gauche pour éviter l'arrivée d'un lampadaire dans la tourelle. Immédiatement après, un choc terrible. Et je vois le paysage défiler dans l'autre sens, comme si j'étais en marche arrière. René me crie: "Avance, nom de Dieu!" À quoi je lui hurle: "Jen crois bien qu'il n'y a plus de roue. Il n'y a plus de pont avant!" Je voyais les pavés sous un autre angl avec l'impression d'être descendu de plusieurs dizaines de centimètres. Le 88 ne nous laisse pas le temps de réfléchir: un deuxième choc aussi violent que le premier. Peut-être un troisième. Les oreilles en prennent un coup. René, P'tit Louis et moi, nous nous retrouvons sur la route sans savoir comment. Guy est resté coincé à son poste, l'épaule droite meurtrie par la boite radio décollée sous le choc d'un obus. Nous l'aidons à sortir avant que le 88 ne se manifeste une nouvelle fois. Fort heureusement, il ne tirera plus. Le premier obus avait arraché la roue droite avant, laquelle est allée traverser un mur en agglomérés dans une rue transversale (Rue de l'Ancien Château, je crois). Comme par hasard, le trou fait par la roue avait la forme d'une Croix de Lorraine, ce que les habitants du coin ont remarqué. Le deuxième, et peut-être un troisième, avai(en)t traversé l'A.M., en dessous du coffre à obus, pulvérisant tout ce qui était dans le coffre à vivres: cigarettes transformées en mégots, nescafé en caramel, et tout le reste inutilisable. Notre pauvre "Simone" n'aura pas l'honneur d'entrer dans PARIS. Mais, grâce à Dieu, nous sommes encore vivants. Un peu "sonnés", mais ça passera. L'A.M. reste pantelante à la hauteur du 120 Avenue Aristide Briand, d'où Monsieur et Madame BRULÉ sortent au devant de nous, ainsi que Monsieur et Madame LAPLACE, le serrurier qui habite en face. Réconfort que nous n'oublierons jamais. Peu de temps après, arrive Joseph GOUMY, MdL Chef, ami de René depuis la Syrie (GOUMY sera enterré à la Chapelle du Val de Grâce le 6 septembre). Sur une photo prise à ce moment, Madame BRULÉ a noté: 24 août 1944. 18h00. Au carrefour d'où nous étions partis, le peloton avait vu que la "Simone" était touchée. Le Général LECLERC a dû arriver peu après. C'est de là qu'il a envoyé le Capitaine DRONNE prendre notre relève, avec cette phrase "historique": "Dire que c'est la première voiture française qui va entrer dans PARIS!" Sur le pare-brise de la Jeep du Capitaine DRONNE, cette devise: Mort aux cons! Vers 19 heures, des éléments du G.T.V. occupent le carrefour de la CROIX DE BERNY. Le 88 est muselé. Un calme relatif revient dans le secteur. Le soir, René et P'tit Louis logent chez le serrurier, Monsieur LAPLACE. ————— Note:
Vers 20h30 / 21h00, devant chez Mr. et Mme BRULÉ: De gauche à droite: Louis BLONDIN, dit « P'tit Louis » Guy CONUS Roger MARION Devant eux les deux enfants BRULÉ: à gauche Françoise, à droite Daniel.
(Photo Daniel BRULÉ)
La Simone vers 20h30 devant la maison de la famille BRULÉ: Roger MARION est à son poste de conducteur (à droite) Guy CONUS debout (au centre)
(Photo Daniel BRULÉ) —————Quelques années après la guerre, Monsieur LAPLACE m'a raconté comment il avait vu notre arrivée. Voici ce dont je me souviens: «Depuis le matin du 24 août, nous entendions le canon de la CROIX DE BERNY tout proche. Plusieurs voisins sont venus se mettre à l'abri dans notre cave. De temps en temps, je regardais par le soupirail. À plusieurs reprises, des boches passaient, l'air affairé. Vers 17 heures, une voiture blindée est passée très vite, en direction de la CROIX DE BERNY. Je me demandais pourquoi les boches avaient des coiffures rouges. Immédiatement après, une violente explosion m'a fait quitter mon observatoire. Nous avons entendu les carreaux de la maison dégringoler. Nouvelles explosions aussi fortes que la première. Et ça redégringole. Quand ça s'est calmé, je suis revenu au soupirail. Presque en face, sur la route, le blindé que j'avais vu passer. La fumée des obus n'était pas encore entièrement partie. L'avant du blindé était démoli. Sur la route, trois soldats qui n'avaient pas l'air d'être des Allemands. Je pensais que c'était des Anglais ou des Américains. Mais quand le plus grand a crié: "Les vaches! Ils ont une drôle de façon de démonter les roues!", ce ne pouvait être que des français. Tout de suite, je l'ai annoncé aux occupants de la cave et je suis allé les voir».Guy et moi logeons chez la famille BRULÉ, au 120 de l'Avenue Aristide Briand. Nos hôtes nous demandent les adresses de nos familles pour leur envoyer, quand ce sera possible, les photos prises en fin d'après-midi: deux de la "Simone" démolie et une avec leurs enfants Daniel et Françoise. Surprise de Monsieur BRULÉ quand il apprend que mes parents habitent PAGNY-SUR-MOSELLE. Un représentant de l'entreprise de son père y habitait avec sa famille. Nous n'imaginons pas alors que la famille SALOMON avait été déportée au Camp d'AUSCHWITZ pour ne pas revenir. Pour la première fois depuis bien longtemps, nous couchons dans un lit. Nous mettons un certain temps pour nous endormir, car nos oreilles bourdonnent encore de l'explosion des 88. Passant par là le 24 août 1984, pour le 40ème anniversaire, j'ai retrouvé des antoniens qui avaient vécu la Libération et qui m'ont appris qu'à quelques centaines de mètres de nous, le Général LECLERC avait refusé de coucher dans un lit: "Il n'y a pas de raison que je couche dans un lit quand mes soldats couchent par terre." Je suis toujours resté en relation avec la famille BRULÉ. Peu avant la mort de Madame BRULÉ en 1971, j'y avais retrouvé le même accueil chaleureux. Monsieur Charles BRULÉ m'avait raconté ce qui s'était passé le 24 août 1944. Officier d'artillerie de réserve, son récit était précis, et serait précieux maintenant pour relater, sans fantaisie, les évènements de la Libération. Monsieur BRULÉ est mort le 23 mai 1983. Son fils Daniel, bien que jeune en 1944, n'a pas oublié la façon dont nous étions arrivés. Ce qui lui a permis de réagir à la lecture d'un article de "Vivre à ANTONY" d'octobre 1984. Voici ce qui y est écrit à propos du canon de 88 installé à la CROIX DE BERNY: «Il est impensable d'attaquer le carrefour de front et la colonne Leclerc est bloquée à hauteur de l'Auberge du Cheval Blanc, sur la RN 20. La parade est vite trouvée: déborder le carrefour par l'est et l'ouest grâce à la résistance intérieure qui va guider les troupes à travers ANTONY». Daniel BRULÉ a fait savoir à la Mairie d'ANTONY que "si le canon était braqué sur la RN 20, c'est parce qu'une A.M. courageuse s'y manifestait", en donnant les photos prises par ses parents et en communiquant mon adresse. Je n'ai pu répondre à l'invitation du Maire d'ANTONY pour l'inauguration de l'exposition "40ème anniversaire de la Libération" le vendredi 30 novembre 1984. Daniel y est allé. La photo de la "Simone" démolie y était en bonne place et en grand format. Revenons à la journée du 24 août 1944. Nous ne sommes qu'à 7 km de la Porte d'Orléans. Mais le peloton ne peut plus terminer sa mission en tête du G.T.V. En plus de la "Simone" rendue inutilisable, deux autres A.M. ont été touchées: celle du chef de peloton Bernard de LA MOTTE, et celle de son adjoint Georges BOUVIER. L'obusier de FERYN est sur un autre axe. Au moment de notre départ d'ÉCOUCHÉ il terminait de retourner ses chenilles. Il a rejoint la région parisienne pour bagarrer au CHRIST DE SACLAY.
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| Sujet: 25 août 1944 Lun 25 Aoû 2014 - 8:10 | |
| Vendredi 25 août 1944Vers 7 heures, nous quittons la CROIX DE BERNY, laissant la "Simone" dans son triste état. À regret, notre équipage se disperse. Je me retrouve sur la Jeep de Robert MAISONNIER, conduite par Georges CAËR. À l'arrière, Paul THOUEILLE et moi, de chaque côté du mortier. René est avec GOUMY. Guy et P'tit Louis trouvent place sur d'autres véhicules du peloton. Par moments, il faut se frayer un passage dans la foule en délire qui vit, en cette heure, la fin d'un long cauchemar. Entrée dans PARIS par la Porte de Gentilly. Nous descendons la rue Saint-Jacques. Çà et là, des barrages de pavés. Aprés avoir traversé le Boulevard Saint-Germain, nous nous engageons dans la Rue Dante. Au n° 2, deux photos, prises par la famille d'ENQUIN, rappellent notre arrivée au cœur de la capitale. ————— La Jeep mortier "NICOLE" vers 8/9h00 devant le 2 Rue Dante. De gauche à droite: - devant: le Brigadier-chef Robert MAISONNIER et le spahi CAËR, au volant - derrière: Paul THOUEILLE (avec les lunettes) et Roger MARION.
(Photo Roger MARION / Collection Laurent FOURNIER)
Vers 10h, au carrefour Boulevard Saint-Germain / Rue de Rennes. À l’arrière-plan l’église de Saint-Germain-des-Prés. Dans la tourelle de l’AM M8 "DUCHESSE ANNE": - à gauche: l’Aspirant Bernard de LA MOTTE, commandant le 3/3/1RMSM - à droite: le spahi RENUCCI, le tireur. Le canon de 37mm pointe vers la rue de Rennes.
(Collection Laurent FOURNIER) —————Il est aux environs de 10h00: NOTRE-DAME est devant nous, de l'autre côté de la Seine. Moment d'émotion… vite troublé par une fusillade qui éparpille parisiens et parisiennes se réfugiant sous les bancs du square. Malgré le tragique de la situation, certains ne ratent pas le coup d'œil de cette partie de jambes-en-l'air inattendue! Des coups de feu semblent partir des abat-son de la tour droite de Notre-Dame. Riposte de notre part. Ensuite, c'est le Boulevard Saint-Michel. Effarement d'une concierge qui me voit débouler dans sa loge, lui demandant une glace et de l'eau. Avant de quitter l'Angleterre, à la suite d'un pari avec l'équipage, je devais laisser pousser les moustaches jusqu'à l'entrée à PARIS. Pari tenu. Je rase ces ridicules moustaches. Si, pour quelques-uns, c'est la première fois que nous venons à PARIS, quelques camarades y ont leur famille, des amis. Et le téléphone fonctionne encore. Joie des retrouvailles après des années d'absence. Je rejoins le peloton du côté du Palais du Luxembourg qui est encore tenu par les Allemands assez coriaces. Le Général LECLERC vient voir ce qui se passe. Le peloton patrouille dans les catacombes du Val de Grâce. L'après-midi, Place du parvis Notre-Dame, je suis sur l'A.M. de Georges BOUVIER. Georges BOUVIER et Pierre MERCINIER sont quelque part dans le secteur. Gérard DESCOURS, le tireur, est dans la tourelle. Au volant, Roger VICTOR n'a pu résister à tous les "petits coups" de toutes sortes offerts depuis le matin. Bernard m'a dit: "Reste sur cette A.M., tu prendras le volant quand VICTOR n'en sera plus capable". ————— On peut lire des récits des combats autour de la Place de la Concorde sur le site de Gilles Primout sur la Libération de Paris —————Un officier du R.M.T., le Lieutenant (ou Capitaine?) SAMMARCELLI, arrive près de nous, flanqué d'un commandant Allemand. C'est l'un des "tandem" chargés de porter aux différents points de résistance allemande l'ordre de reddition signé par von CHOLTITZ. "Pouvez-vous nous conduire au Crillon?" demande le lieutenant à Gérard. Dans la tourelle, le lieutenant et Gérard de chaque côté du 37, le commandant allemand coincé entre l'arrière du canon et le blindage. Je me place sur la plage derrière la tourelle, mitraillette en bandoulière, un revolver en main. VICTOR fonce à travers une foule qui, à la vue de l'officier allemand, me crie: "Tue-le!" Réaction stupide qui, doublée de sentiments de vengeance, a causé plus d'un assassinat de la part de pseudo-résistants… Après une course rapide, la Place de la Concorde est devant nous. Un duel de chars se termine. Des carcasses fument encore. Du Crillon, la cinquième colonne à partir de la rue Royale vient d'être abattue par un Sherman. VICTOR reste dans l'A.M. à l'angle de la Concorde et de la rue Boissy d'Anglas. Des coups de feu nous claquent aux oreilles. Le Lieutenant SAMMARCELLI et le commandant allemand se dirigent vers l'entrée du CRILLON. Gérard et moi, nous suivons. Derrière les grilles, un gros capitaine allemand s'adresse à moi en anglais. "Parle français si tu veux que je te comprenne." Surprise du Schleu. Je crois me souvenir que c'était von ARNIM qui commandait le CRILLON. Nous ne le saurons que plus tard, à notre modeste échelon. Il donne l'ordre de se rendre. Nous ne sommes que trois pour "réceptionner" quelques 175 prisonniers dont beaucoup d'officiers. Dans "Paris brûle-t-il?", à la page 394, Dominique LAPIERRE et Larry COLLINS nomment deux Américains: le Lt-Colonel Ken DOWNES et John MOWINKLE qui auraient fait ces prisonniers au CRILLON: affirmation fantaisiste. Aucun Américain n'était avec nous. Bras en l'air, la cohorte des victorieux de 1940 commence à sortir. Nous les désarmons au passage: révolvers d'un côté, fusils de l'autre. Je fais deux voyages jusqu'à l'A.M. pour y déverser P388, Lüger, Herstal et autres modèles que je bourre au fur et à mesure dans mon treillis. Une quarantaine au total. Que sont-ils devenus? Je récupère aussi un immense drapeau nazi qui devait faire la hauteur des colonnes du CRILLON, une belle casquette d'officier supérieur. Je les range dans un angle, calés sous un magnifique révolver. Rapide inspection des lieux. Dans une salle à manger, les restes de leur dernier repas, surtout des pommes de terres: ce n'est pas du trois étoiles! En revenant près de mes trophées, plus rien. Des soi-disant résistants commençaient le pillage. J'avais conservé sur moi un "Plan de Paris par arrondissement" sur lequel je note: pris au CRILLON sur un officier allemand qui n'en avait plus besoin. 40 ans après, je l'ai toujours, mais il n'est plus à jour. À noter le passage du Général de GAULLE dans le secteur où nous sommes. Mission terminée. Retour de l'A.M. avec le peloton en bas du Boul' Mich'. Le soir, avec quelques camarades d'autres pelotons du 3ème, nous sommes reçus au 21 du Quai des Grands Augustins chez Madame ROBERT, veuve d'un Colonel, dont la fille est mariée à un notaire en Maine-et-Loire. Un camarade de l'escadron y retrouve un de ses cousines, Cécile VONDERSCHER. Nous passons notre première nuit à monter la garde près des véhicules. Les trottoirs du Boul' Mich' sont moins souples que le lit d'ANTONY.
Dernière édition par Jean PFLIEGER le Mar 26 Aoû 2014 - 8:26, édité 1 fois | |
| | | Jean PFLIEGER Rang: Administrateur
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| Sujet: Re: Spahi Roger MARION (3/3/1er RMSM) Mar 26 Aoû 2014 - 18:22 | |
| Samedi 26 août 1944Je suis un peu désemparé de me trouver sans automitrailleuse. Mais cela me laisse une certaine liberté. J'en profite pour visiter la splendide église Saint Séverin et même de faire la connaissance de son curé. De retour au Boul' Mich', parisiens et parisiennes, jeunes et moins jeunes, manifestent toujours autant d'empressemet. Les embrassades n'en finissent pas. "On croirait que ce curé a l'air de te connaître. Il te regarde depuis un moment" me dit un camarade. En effet, à quelques mètres, un ecclésiastique d'une bonne cinquantaine d'années, un "vénérable" ecclésiastique à en juger par sa ceinture violette, vient vers moi: "Tu es bien Roger MARION, de PAGNY-SUR-MOSELLE?" C'est surtout à sa voix que je reconnais Monsieur l'Abbé Charles GEGOUT qui, dix ans plus tôt, nous avait préparés à la Communion Solennelle et que j'avais rencontré bien souvent quand il était responsable de l'œuvre des vocations au diocèse de NANCY. Depuis, j'avais grandi, et, malgré mes joues couvertes de rouge à lèvres, il m'avait tout de suite reconnu. Nous nous retrouvon au 21 Rue du Cherche-Midi, où Monseigneur GEGOUT dirige, depuis 1937, l'Oeuvre de Saint François de Sales. Repas rapide, car nous tenons à trouver place près de Notre-Dame pour la cérémonie d'action de grâces annoncée je ne sais par quel moyen. Des coups de feu claquent dans la traversée du quartier Saint Séverin. J'escalade des escaliers et je me retrouve sur les toits d'où les coups ont semblé partir. À part un couple que je dérange dans ses ébats sous les combles, je ne découvre rien d'autre, ni milicien, ni soldat allemand. Le Général de GAULLE vient de descendre à pied les Champs Élysées, parcours triomphal, et il arrive, en voiture, venant de l'Hôtel de Ville. Débordante d'enthousiasme, la foule se presse. Au moment où le Général descend de voiture, une fusillade retentit. Ça tire de partout et on ne sait d'où, ni pourquoi. Le Général, impassible, entre dans NOTRE-DAME. Des coups de feu éclatent encore à l'intérieur. Je suis bien incapable de dire d'où ils viennent. Monseigneur BROT accueille le Général. Chant du Magnificat par toute la foule, chant accompagné non par les orgues, mais par les coups de feu. Le Te Deum n'a pas été chanté. Par prudence certainement, le Général abrège la cérémonie et quitte la cathédrale. Les claquements des détonations cessent. Avec Monseigneur GEGOUT, nous sortons par le portail qui se trouve du côté des sacristies. Un galopin arborant je ne sais quel brassard me demande mes papiers. Il se retrouve à terre. Pendant qu'il se relève, je remets mon calot rouge. Et le jeune de s'excuser: "Je n'avais pas vu que vous étiez soldat!" Dans ses souvenirs, le Cardinal SUHARD écrit que ce 26 août 1944 a été la journée la plus pénible de sa vie. Il lui revenait d'accueillir le Général de GAULLE dans sa cathédrale NOTRE-DAME, mais il avait été prié de rester chez lui. Un de ceux qui ont décidé d'écarter le Cardinal est le Père BRUCKBERGER, aumônier F.F.I. Peu de temps après, le Père HOUCHET, notre aumônier divisionnaire (blessé mortellement au pont de KEHL le 23 novembre suivant) m'a raconté qu'étant au courant de cette interdiction, il était allé lui-même à l'Archevêché, 30 rue Barbet de Jouy. Deux voitures de F.F.I. en barraient l'accès. "Foutez-moi le camp d'ici, ou je vous botte les fesses" dit l'aumônier. Il voit le Cardinal qui préfère s'en tenir à ce qui a été décidé contre lui, voulant éviter une polémique. En 1951, j'ai eu la confirmation de ce témoignage par Monseigneur MERREZ qui était secrétaire à l'Archevêché et avait vécu ces évènements. Dans le tome II de ses "Mémoires de guerre" (page 134), le Général de GAULLE écrit ceci: «Vers 4 heures et demie, je vais, comme prévu, entrer à NOTRE-DAME. Tout à l'heure, rue de Rivoli, je suis monté en voiture et, après un court arrêt sur le perron de l'Hôtel de Ville, j'arrive place du Parvis. Le Cardinal-Archevêque ne m'accueillera pas au seuil de la basilique. Non point qu'il ne l'eût pas désiré. Mais l'autorité nouvelle l'a prié de s'abstenir. En effet, Mgr SUHARD a cru devoir, il y a quatre mois, recevoir solennellement ici le Maréchal PÉTAIN lors de son passage dans PARIS occupé par les Allemands, puis, le mois dernier, présider le service funègre que VICHY a fait célébrer après la mort de Philippe HENRIOT. De ce fait, beaucoup de résistants s'indignent à l'idée que le prélat pourrait, dès à présent, introduire dans la cathédrale le Génénral de GAULLE. Pour moi, sachant que l'Église se considère comme obligée d'accepter "l'ordre établi", n'ignorant pas que chez le Cardinal la piété et la charité sont à ce point éminentes qu'elles laissent peu de place dans son âme à l'appréciation de ce qui est tempore, j'aurais volontiers passé outre. Mais l'état de tension d'un grand nombre de combattants au lendemain de la bataille et ma volonté d'éviter toute manifestation désobligeante pour Mgr SUHARD m'ont amené à approuver ma délégation qui l'a prié de demeurer à l'archevêché pendant la cérémonie. Ce qui va se passer me confirmera que cette mesure était bonne».Monseigneur GEGOUT m'invite pour demain soir. Dans le bas du Boulevard Saint Michel, je trouve l'hospitalité chez un avocat, Maître CHARPENTIER. Je suis à peu près certain que c'est chez cet avocat que s'est déroulée l'aventure que Pierre MERCINIER raconte à la page 40 de son "Journal de Marche d'un spahi": «Je repris quand même assez vite mes esprits, car je me souviens que vers les 11 heures, je me disputai avec un avocat dans l'appartement qu'il occupait dans le bas du Boulevard Saint Michel, lequel voulait bien m'offrir l'hospitalité pour la nuit, mais en refusant de décrocher la photo du Maréchal PÉTAIN, accrochée dans la chambre qu'il me proposait, ce qui me fit lui dire en claquant la porte: "que pour bien dormir, il me fallait ne pas avoir de cauchemards!"» Il m'est arrivé, à plusieurs reprises, d'enlever moi-même des photos du Maréchal. 40 ans après, certains me le rappellent. Mais chez cet avocat? Avait-elle disparu après l'altercation de mon ami Pierre? Je n'en ai aucun souvenir. Un neveu de Maître CHARPENTIER s'est engagé dans notre escadron: Charles BIGNON. Le 29 mai 1977, au rassemblement de la 2ème DB, à TAILLY, il était député RPR de la Somme depuis 1964. Ce jour-là, il m'avait appris la mort assez récente de son oncle. L'année suivante, il était battu aux élections par un communiste. Et dans un journal du 1er avril 1980, j'apprenais sa mort accidentelle près de RAMBOUILLET, sur l'autoroute A10. "Percutée par un poids lourd sur le bas côté, sa voiture a pris feu et le conducteur a été carbonisé." Je m'endors sans faire de cauchemards! Mais alerte peu avant minut. L'aviation allemande bombarde la capitale. Les parisiens gagnent leurs abris. Nous patrouillons pour faire éteindre des lampes restées allumées un peu partout. Quai des Grands Augustins, des appartements éclairés et abandonnés par leurs locataires. Depuis la rue, nous éteignons… à coups de revolver. Méthode efficace bien qu'un peu sauvage vue avec le recul du temps. Du côté des Halles aux Vins, le ciel est tout rouge. Les Allemands ont fait mouche. L'alerte terminée, je regagne mon lit chez l'avocat. | |
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| Sujet: Re: Spahi Roger MARION (3/3/1er RMSM) Mer 27 Aoû 2014 - 18:58 | |
| Dimanche 27 août 1944
Vers 15h00, le peloton quitte le Boul' Mich' pour une patrouille à SAINT-GERMAIN-EN-LAYE. Patrouille sans histoire dont je n'ai aucun souvenir.
Nous rejoignons ensuite l'escadron qui bivouaque près du RACING au BOIS DE BOULOGNE.
N'est-ce pas ce jour que le "lance-patates" de FERYN, piloté par Jack STANISLAS avait battu un record de vitesse?
Bien que d'un prix élevé, le champagne du RACING n'est pas cher pour nous, offert involontairement par les Allemands de LONGJUMEAU.
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| Sujet: Re: Spahi Roger MARION (3/3/1er RMSM) Jeu 28 Aoû 2014 - 15:53 | |
| Du dimanche 27 au jeudi 31 août 1944
Le bivouac est plutôt théorique. En dehors des tours de garde, nous sommes plus souvent dans la capitale. Avec Roland LAMBOLEZ (Frère Roland de la Miséricorde, baptisé ainsi pour sa débrouillardise et son calme), nous passons la majeure partie de ce séjour au 7 Boulevard Raspail, dans la famille du Docteur CHEVALLEY.
Le 25 août, Place de la Concorde, Annie et Jacques avaient fait la connaissance de l'équipage de l'obusier de FERYN, qui cherchait à rejoindre le peloton depuis ÉCOUCHÉ. La famille CHEVALLEY est charmante. Autour de la table, nous apprécions les conversations autant que les repas. Deux de leurs quatre enfants sont en Suisse: Sylvain et Dora qui, en 1949, deviendra l'épouse de Roland.
Le docteur laisse à notre disposition sa traction 11 CV qu'il ne pouvait plus utiliser depuis plusieurs mois. Les épaves de la Porte Maillot sont un magasin bien fourni en pièces de rechange. Entre autres, une batterie est vite trouvée. Quant à l'essence, aucun problème!
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| Sujet: 1er septembre 1944 Lun 1 Sep 2014 - 6:49 | |
| Vendredi 1er septembre 1944
La traction du docteur me permet de conduire, à la CROIX DE BERNY, Roland (qui était le 24 août au CHRIST DE SACLAY avec l'obusier) et, naturellement, Annie et Jacques.
La "Simone" a été récupérée par l'Atelier Divisionnaire. Pendant que nous nous offrons une "dolce vita", les mécanos ne chôment pas. Le lendemain, en allant respirer l'air au Bois de Boulogne, je retrouverai la "Simone" réparée. Les Américains se seraient moins fatigués. Dans l'état où était l'A.M., ils l'auraient tout simplement remplacée!
Je ne regrette pas de refaire, en sens inverse, le parcours du 24 août: SAULX-LES-CHARTREUX, VILLEJUST, LA POITEVINE: au retour Boulevard Raspail, vers 21 heures, sous l'œil admiratif, mais un peu envieux, et cela se comprend, des habitants du coin, nous déchargeons du coffre de la traction légumes de toutes sortes, poulets et autres victuailles dont nous avaient comblés les paysans libérés par le peloton.
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| | | Jean PFLIEGER Rang: Administrateur
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| Sujet: 6 septembre 1944 Sam 6 Sep 2014 - 8:08 | |
| Mercredi 6 septembre
En la Chapelle du Val-de-Grâce, je suis de piquet d'honneur pour l'enterrement du Maréchal des Logis Chef Joseph GOUMY, décédé accidentellement. Avec lui disparaît un des anciens, dont j'avais apprécié la gentillesse et la discrétion comme chef d'A.M. intérimaire quand, de WELLINGTON (Shropshire) j'avais rejoint l'escadron à HORNSEA.
Le peloton subit quelques modifications d'effectifs: FRENDO nous avait déjà quittés avant ÉCOUCHÉ. GOUMY n'est plus. BOUBAKER et les autres marocains dont je ne me souviens plus du nom nous quittent ainsi que l'Adjudant LE GUILLOU ("Gogo" pour les initiés), le Maréchal des Logis Chef Kléber DESTREZ, Roger VICTOR.
Mais les renforts parisiens affluent: Vincent BRUGERE, qui n'a pas encore 18 ans, Claude CHEVALLIER-APPERT, Édouard DELFORGE, qui avait déjà "fait" 39-40, Didier FOURET, Jacques GUYON, François JARDEL, Jacques LOMBARD, Bertrand LARCHER, Bernard LATAPIE, Henri MASSON d'AUTHUME, Pierre PERRAULT de JOTEMPS, Bernard PORTE, Pierre REVERCHON, lui aussi a connu 39-40 et avec ses 33 ans s'il est le doyen d'âge, il reste d'une jeunesse remarquable, Jean SERVOT.
Il est possible que quelques uns de ces camarades ne pourront nous rejoindre qu'au cours de la campagne des Vosges.
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| | | Jean PFLIEGER Rang: Administrateur
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| Sujet: 8 septembre 1944 Lun 8 Sep 2014 - 5:53 | |
| Vendredi 8 septembre 1944
À 7h15, nous quittons le Bois de Boulogne. Direction: vers l'Est. Ce qui me fait dire à René: "Je t'avais toujours dit que j'arriverais à NANCY avant que tu n'aies revu BREST".
Le Journal de Marche du Capitaine LUCIEN permet de retrouver l'itinéraire suivi: Porte de PASSY, Boulevards extérieurs, Porte de Bercy, ALFORT, BONNEUIL. À CHENNEVIÈRES, nous suivons la R.N. 4 jusque ROZAY-EN-BRIE. Certains véhicules de la D.B., véhicules en tous genres, se trouvent déjà à court d'essence! Ce genre de panne due aux libéralités du séjour parisien ne se produit pas au peloton de La MOTTE.
Direction sud: GASTINS, NANGIS, MONTEREAU, CHEROY, COURTENAY. Nous reprenons la direction est: VILLENEUVE-SUR-YONNE, CERISIERS. Je ne me souviens pas de VILLENEUVE-L'ARCHEVEQUE, mentionnée comme fin d'étape pour le 3ème peloton. Par contre, le soir, je fais la connaissance du curé d'ARCES. Rien à voir avec Saint Jean-Marie VIANNEY, curé d'ARS. C'est un religieux que les hasards de la guerre ont conduit dans cette forêt d'OTHE. Si mes souvenirs sont exacts, ce prêtre se retrouvera plus tard un des aumôniers de la 2ème D.B.
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| Sujet: 9 septembre 1944 Mar 9 Sep 2014 - 6:46 | |
| Samedi 9 septembre 1944
Le matin, nous quittons ARCES pour BUSSY-EN-OTHE, où notre peloton s'installe dans la cour de l'école. Village très accueillant. Nettoyage de l'A.M. (moteur). Repas de midi chez le maréchal ferrant du pays, ce qui me rappelle la famille, c'est la profession de grand-père et de papa.
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| Sujet: Re: Spahi Roger MARION (3/3/1er RMSM) Mer 10 Sep 2014 - 14:29 | |
| Dimanche 10 septembre 1944
À 9h30, avec quelques amis, nous allons à la messe dans la belle église gothique de BUSSY. Église bien grande pour l'assistance. Ce qui fait dire à P'tit Louis: "Les gens d'ici ne se cassent pas. Il y a un curé qui vient leur dire la messe, et ils n'y vont même pas!" Gros éclat de rire. "On pourrait en dire autant à ROANNE quand tu y étais — Comment? Mais j'y étais tout à l'heure. Tu étais dans tel banc avec BEYLER, Guy et Coco." Et c'était vrai.
Après la messe, lavage des A.M. sans fatigue: nous utilisons la pompe des sapeurs pompier du village.
L'après-midi, Monsieur le Maire organise une petite cérémonie en l'honneur des libérateurs. Si l'on peut dire, car nous sommes arrivés ici sans aucune difficulté. Discours à la Mairie. Cérémonie au monument aux Morts. Et un petit défilé: nous sommes huit, sous la conduite du Brigadier Chef Robert MAISONNIER, comme en témoigne la photo, qui, avec quelques autres, rappelle notre court séjour dans ce village bien sympathique.
Monsieur MERCIER, qui dirige une exploitation forestière, nous invite à quelques-uns pour la soirée.
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| Sujet: 11 septembre 1944 Jeu 11 Sep 2014 - 5:46 | |
| Lundi 11 septembre 1944
De BUSSY-EN-OTHE, nous partons vers TROYES, VENDEUVRE, BAR-SUR-AUBE, COLOMBEY-LES-DEUX-ÉGLISES (ignorance totale de "La Boisserie" à cette époque), VIGNORY.
Le Capitaine LUCIEN signale l'envoi de la patrouille BOUVIER en liaison, au GTV, sur RIAUCOURT et ROCHEFORT (vers le Sud). Compte-rendu: "ANDELOT semble fortement tenu".
Nous traversons le canal de la Marne à la Saône. REYNEL. NANCY n'est plus qu'à 125 km.
Le soir, nous couchons près de nos A.M., à la sortie de REYNEL.
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| Sujet: Re: Spahi Roger MARION (3/3/1er RMSM) Ven 12 Sep 2014 - 8:15 | |
| Mardi 12 septembre 1944REYNEL. Nous attendons. Une dédicace sur le menu du banquet offert par la Ville de STRASBOURG le 23 novembre 1969, à l'occasion du 25ème anniversaire de la Libération, rappelle un épisode de cette attente: "En souvenir de la balle de mitraillette Sten que tu m'as foutue dans la patte". Signé: Georges SCHLAEFFER, Maire d'UHRWILLER. Ce 12 septembre 1944, SCHLAEFFER, de l'Échelon, vient vers moi, brandissnt une arme inconnue. Avec son bon accent alsacien: "Regarde ce que je viens de trouver. Ça doit être une mitraillette. Mais comment ça marche?" Dans un premier temps, je baisse le canon vers le sol. Avec Georges, nous "bricolons" cet engin. Brusquement, le bloc percuteur me glisse de la main. Détonation. Georges s'agrippe à mon épaule: "Aie! Mon pied!" Une balle lui avait traversé le pied et la chaussure pour s'écraser sur la route. Cette arme, inconnue pour nous, était une Sten, probablement parachutée à l'intention d'un groupe de F.F.I. Mais pourquoi traînait-elle ici? Je rends compte de cet accident au Capitaine LUCIEN. N'ayant commis aucune imprudence, je m'en tire sans punition. Quant à SCHLAEFFER, il est évacué et termine ainsi la campagne. Dans l'après-midi, direction VITTEL. La Simone part en tête du peloton. SAINT-BLIN, BOURMONT, VRÉCOURT, BULGNÉVILLE. La traversée d'un bois à près de 120 km/h prouve la bonne qualité du matériel. Vitessse pour éviter les tireurs éventuels. Arrivée à MANDRES-SUR-VAIR. Joie de retrouver la saveur des mirabelles. Vers 19h30, nous sommes envoyés sur SAINT-REMIMONT distant de 3 km environ. Avant le départ, les gens du pays nous mettent en garde: "Il y a des boches à la blanchisserie". La blanchisserie en question est un petit ensemble de maisons que nous apercevons devant nous, au carrefour de la route qui mène à VITTEL. Je stoppe peu avant le carrefour. Un barrage en chicane nous paraît suspect. René et Guy descendent de l'A.M. et vont vérifier si le passage est miné ou non. Resté à MANDRES, le chef de peloton s'impatiente. Par radio: "Allo C1. Ici, Bernard. Pourquoi vous arrêtez-vous? — Il y a une chicane sur la route. René et Guy sont allés voir s'il y a des mines. — Ne perdez pas de temps. Je te demande d'avancer. — Et moi, je te dis m…" Et je coupe la radio. René et Guy reviennent à l'A.M. "Pas de piège à c…, me dit René. Tu peux y aller." Nous traversons la chicane. Aussitôt après le carrefour, sur notre droite, la "blanchisserie". Dans la cour, deux tombes toutes fraîches surmontées chacune d'un casque allemand. Ici, j'ouvre une parenthèse. Ce n'est qu'après la guerre que j'ai eu l'explication de ces deux morts. Rentré au Grand Séminaire de NANCY, je retrouve mon ami Louis BARBESANT avec qui j'étais passé par l'Espagne et qui était lui aussi dans la forêt de TÉMARA, tireur sur char au 1er Escadron du 12ème R.C.A. Une piste séparait nos deux escadrons. Au cours de la campagne de France, Louis notait, lui aussi, jour après jour, les différentes localités traversées. Ce qui permet d'apporter certaines précisions. Étant A.M. de pointe de notre peloton, nous avions la naïveté de nous croire les premiers arrivés partout où nous partions en reconnaissance. Avec le recul du temps et certains renseignements comme ceux de Louis et de quelques autres, j'admire l'État-Major qui orchestrait ce ballet de blindés en route vers le même but, mais par des routes bien modestes parfois et qui s'entrecroisaient. C'est ainsi que le samedi 9 septembre, quand nous partions d'ARCES cantonner à BUSSY-EN-OTHE, le 1er Escadron du 12ème R.C.A. partait de NOGENT pour traverser ROMILLY, LA BELLE ÉTOILE, MÉRY, TROYES, VENDEUVRE, ARSONVAL et arriver à BAR-SUR-AUBE à 22h00. Le lundi 11 septembre, cet escadron passait à VIGNORY, DOULAINCOURT, contournant par le nord ANDELOT et REYNEL (où nous n'arrivons que dans l'après-midi), BUSSON, LEURVILLE, LAFAUCHE, GONCOURT, SOMMERÉCOURT, OUTREMÉCOURT, MALAINCOURT, VAUDONCOURT et AUZAINVILLIERS (au nord de BULGNÉVILLE). Par la D18, le char de Louis [NDLR: le M3A3 VEXIN] arrive en vue de ce carrefour près de SAINT-REMIMONT. Résistance ennemie. Louis fait son carton et le char revient à AUZAINVILLIERS. Quand nous arrivons le mardi 12 septembre, en fin de journée, à MANDRES-SUR-VAIR, le 1er Escadron du 12ème R.C.A. avait quitté AUZAINVILLIERS le matin, en évitant soigneusement MANDRES et SAINT-REMIMONT, car leur commandement connaissait l'existence d'une sérieuse poche allemande à SAINT-REMIMONT, que notre chef de peloton ignorait totalement: personne ne lui avait dit. Les Chasseurs de LANGLADE passent par BULGNÉVILLE, DOMBROT-LE-SEC, VIVIERS-LE-GRAS, PROVENCHÈRES-LES-DARNEY, THUILLIÈRES, DOMMARTIN-LES-VALLOIS, PONT-LES-BONFAYS, PIERREFITTE, LES ABLEUVENETTES, DAMAS-ET-BETTEGNEY pour participer à la célèbre bataille de DOMPAIRE. Pendant ce temps, ce 12 septembre, en fin de journée, nous continuons les quelques centaines de mètres qui séparent le carrefour de la Blanchisserie et la petite route qui conduit à SAINT-REMIMONT. Au moment où je m'engage sur cette route, depuis l'entrée du village, un antichar ouvre le feu sur nous. Le plus rapidement possible, je me retire de l'axe de tir. René descend pour mieux reconnaître. Je remets la radio en route: "Allo C1, j'appelle C7". C7, c'est l'indicatif de l'obusier de FERYN. "C7, envoie des fumigènes à l'entrée du patelin sur la pièce qui vient de nous tirer dessus!" Bernard fulmine: "C1. Tu n'as pas d'ordre à donner!" C'est vrai. Mais je ne tiens pas à ce que René, et nous aussi, laissions notre peau. L'obusier se met en place, un peu à flanc de coteau, et expédie quelques 75 fumigènes au bon endroit. Ce qui nous permet de repartir, après avoir récupéré René. Les tireurs allemands ont certainement abandonné leur pièce grâce à ce que Poupon (le tireur de l'obusier) leur a envoyé. À l'entrée du village, une chicane vite traversée car "ils" n'ont certainement pas eu le temps d'y placer des mines. À gauche, une rue presqu'en face de nous. Silence inquiétant. Des véhicules allemands un peu partout. Mais "pas un chat dans la rue". Et la nuit commence à tomber. Jacques DEMARLE nous rejoint. Il descend de sa Jeep. Sur la gauche, une porte de maison s'ouvre, puis se referme. Jacques ouvre la porte, envoie une rafale de mitraillette, referme la porte et attend. De nouveau, la porte s'ouvre. Une "petite vieille" passe la tête: "Qu'est-ce qu'y a, M'sieur?". Si elle n'était pas sourde, elle devait en avoir plein les oreilles! Nous progressons lentement vers le haut de la rue. Une route arrive, venant des champs sur notre droite et conduit probablement à l'église. Pas prudent de s'y engager. Nous attendons. Brusquement, Guy pointe sa carabine derrière moi, en hauteur. Une détonation. Je me retourne et je vois un Allemand dégringoler d'un toit. C'est un capitaine qui, naturellement, visait le conducteur que j'étais. Mais il ne se doutait pas des réflexes de Guy, à qui je dois la vie ce jour-là. Lors de notre "pélerinage" à SAINT-REMIMONT le 22 novembre 1984, nous avons appris qu'il avait été enterré au cimetière communal, avec d'autres Allemands, et qu'ils avaient été remmenés ensuite dans leur terre natale. Voici que, sur notre droite, une A.M. arrive. C'est Georges BOUVIER. Mais sur la gauche, une mitrailleuse allemande l'accueille. L'A.M. s'arrête. La mitrailleuse tire toujours. Je vois les balles s'enfiler en-dessous de l'A.M. Et nous sommes là, sans pouvoir museler cette saloperie de mitrailleuse installée dans la rue perpendiculaire et hors de notre portée. Je crie à GAULIER de se rabattre sur nous. C'est sa première patrouille (il avait été le premier à s'engager au peloton en Normandie, lors de notre passage aux LOGES-MARCHIS et à SAINT-HILAIRE DU HARCOUËT les 7 et 8 août). Le conducteur GAULIER perd littéralement les pédales. Pierre MERCINIER, radio de cette A.M., raconte la suite à la page 48 de son Journal de marche d'un spahi. Georges BOUVIER et Pierre MERCINIER sont sérieusement blessés et seront dirigés sur une antenne chirurgicale… après avoir rempli leur mission jusqu'au bout. La nuit tombe de plus en plus. Que se passe-t-il du côté de l'église? L'A.M. BEYLER et la Jeep BEINOSCH s'y trouvent, ayant pris la rue à gauche à l'entrée du village. La nuit est tombée. L'ordre nous est donné de nous replier sur MANDRES. C'est la première fois que nous faisons demi-tour. Au moment de reprendre la route, nous constatons qu'il manque une Jeep, celle de BEINISCH. Bilan de cette patrouille: deux blessés, trois disparus: Jacques BEINISCH, Jean SERVOT et Claude CHEVALLIER. Du côté allemand: des morts, des blessés et du matériel détruit. Nous reprenons tristement la route de MANDRES où nous montons une garde sérieuse en direction de SAINT-REMIMONT. Claude CHEVALLIER nous rejoint dans la nuit. Jacques BEINISCH et Jean SERVOT — lequel avait été considéré comme mort par les Allemands — seront dirigés, eux aussi, sur un hôpital américain. Jean SERVOT a l'intention de mettre par écrit ses souvenirs de cette patrouille jusqu'au moment où un panzerfaust y a mis fin. Ces souvenirs rétabliront la vérité déformée par le film fantaiste "Une nuit en Lorraine", réalisé par Claude CHEVALLIER-APPERT, passé à la télévision le samedi 8 novembre 1975. Nous apprendrons plus tard que les Allemands étaient en nombre bien supérieur à l'effectif du peloton. Malgré les pertes énoncées ci-dessus, nous nous en sommes relativement bien tirés.
Dernière édition par Jean PFLIEGER le Sam 13 Sep 2014 - 14:45, édité 2 fois | |
| | | Jean PFLIEGER Rang: Administrateur
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| Sujet: Re: Spahi Roger MARION (3/3/1er RMSM) Ven 12 Sep 2014 - 14:45 | |
| N'oubliez-pas de suivre la carte sur Google Maps… (Pour accéder à la page 2 de la carte, cliquer sur le lien en bas de marge gauche)
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| | | Jean PFLIEGER Rang: Administrateur
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| Sujet: 13 septembre 1944 Sam 13 Sep 2014 - 14:45 | |
| Mercredi 13 septembre 1944
MANDRES-SUR-VAIR À 11h00, le peloton reçoit l'ordre d'attaquer REMONCOURT. Traversée sans histoire de PAREY-SOUS-MONFORT. À DOMJULIEN, l'accueil de la population est formidable. Il n'y a pas d'Allemands. Mais les gens nous informent que les F.F.I. nous attendent à l'entrée de REMONCOURT.
Descente à toute vitesse par la petite route qui traverse une partie boisée. Et voici les premières maisons de REMONCOURT. Pas de F.F.I. Par contre, sur notre droite, avant le mur de la première maison, un amas de feuillage un peu fané dans lequel apparaît la sortie d'un canon. Je crie: "Antichar à droite!" René et P'tit Louis l'ont vu en même temps: "Fonce dessus, on s'en occupe." J'accélère, tout en faisant fonctionner la sirène (souvenir des avions italiens qui nous mitraillaient lors de la débâcle en juin 1940 à ARC-LES-GRAY, c'est démoralisant!) J'arrive à la hauteur du canon et le double même quelque peu. P'tit Louis ne perd pas de temps pour tourner la tourelle et prendre le canon dans le collimateur. Son premier obus fait mouche. Le canon est muselé. C'est un 50. Les servants sont en piteux état. Ils n'ont plus qu'à se rendre. Nous constatons que la lunette est intacte, un obus était engagé, et le canon était bien dans l'axe de notre route! Pourquoi ne nous ont-ils pas tiré dessus? Ont-ils perdu quelque temps à essayer de lire "Simone" que j'avais peint en grosses lettres sur le bouclier du 37? La sirène et notre vitesse les ont-ils affolés? Peu importe. Nous l'avons échappé belle.
René appelle le chef de peloton pour lui rendre compte. Pas de réponse. Le reste de la patrouille arrive. Chaque poste essaye d'appeler Bernard. Toujours pas de réponse. Les 6 postes du peloton communiquent entre eux: rien de la part du Lieutenant. Que s'est-il passé? Où est son A.M. que personne n'a vue depuis DOMJULIEN?
Nous continuons à exploiter la situation. Si les F.F.I. brillent par leur absence, les Allemands semblent vouloir nous empêcher de les déloger.
Comme toujours, René et Guy descendent de l'A.M. pour faire la patrouille à pied. Jacques DEMARLE se joint à eux. Il es sur ma gauche, à quelques mètres devant l'A.M. Du bras droit, il tient sa mitraillette ou sa carabine; sous son bras gauche, il serre précieusement un petit chien, souvenir d'une jeune parisienne. Pittoresque, mais peu pratique. Jacques vient vers moi et me confie sa bestiole que je place sur mes genoux. La patrouille avance lentement. À chaque coup de canon ou de mitrailleuse envoyé par P'tit Louis, j'ai droit à une rasade d'"eau chaude". Excédé, je balance le roquet par-dessus bord… juste au moment où Jacques se retourne dans ma direction. Ce qui me vaut son plus beau vocabulaie: "Espèce d'en…" Et il vient récupérer son chien, lequel disparaîtra le soir même. Nous le retrouverons à STRASBOURG chez les fusiliers-marins, malheureusement Jacques trouvera la mort dans un accident le 30 septembre.
À gauche, à part la première maison, les autres sont un peu en retrait. Il y a un tas de fagots sur ce large "trottoir". De derrière ce tas de fagots surgit un lieutenant allemand qui nous envoie une grenade à manche. P'tit Louis le calme à coups de 37. L'un des perforants entrera dans la maison où nous serons invités le soir!
Nous transportons le lieutenant près du 50, avec ses compatriotes. Bernard est arrivé… à pied! Dans l'un des tournants après la sortie de DOMJULIEN, FOUCHER de BRANDOIS, son conducteur, avait suivi tout droit dans la forêt et l'A.M. s'était retournée sur elle-même. Coup de chance: pas un blessé.
Bernard prend vite la situation en main. Il prépare un ultimatum et charge deux jeunes prisonniers d'aller le remettre à leur chef: "Vous êtes encerclés. Rendez-vous plutôt que de faire couler inutilement du sang. Signé: Général de la MOTTE". Je laisse à Bernard le soin de rappeler les termes exacts… s'il s'en souvient.
Les deux jeunes partent… et ne reviendront pas. Nous les retrouverons plus tard, dans le gros paquet de prisonniers. L'ultimatum reste donc sans réponse. Nous reprenons la progression.
Je me retrouve à la hauteur de la première maison à gauche. Le propriétaire se hasarde dans sa porte entrebaillée. Je lui demande s'il y a beaucoup d'Allemands dans le pays. Je n'ai pas le temps d'attendre sa réponse, car, de l'autre côté de la route, à 10 ou 20 mètres, je vois un Allemand braquer sur nous sa Panzerfaust. J'ai juste le temps de repartir en marche arrière. La Panzerfaust nous passe devant le nez et va s'écraser dans la maison où le brave homme a eu le réflexe de rentrer. Une volée de je ne sais quoi m'arrive dans la figure. Je recule encore de quelques mètres. Bernard arrive: "Tu es blessé? — Non, je ne crois pas." En passant la main, il y a quelques petits gravats, très peu de taches de sang, et quelques minuscules morceaux de ferrailles. (Sept ans plus tard, le docteur BAUMLER, du NOIRMONT (Jura Bernois) m'en retirera encore un, qui avait produit une légère inflammation au-dessus de l'œil droit). Il y a encore des petites déchirures sur mon sac marin qui était accroché à la tourelle et que j'ai donné à la salle d'Honneur du 1er Régiment de Spahis à SPIRE en mars 1975, avec la lunette du canon de 50 que j'avais récupérée ce même jour, et d'autres souvenirs.
Nos paquetages en ont pris un coup. Il me reste en souvenir le livre "Charles de GAULLE" de Philippe BARRES, que j'avais acheté à HORNSEA le 13 juin 1944 et dont les 256 pages sont traversées par un éclat de cette panzerfaust. Quant au lanceur de Panzerfaust, P'tit Louis l'a mis dans l'incapacité de recommencer.
Les Allemands sont coriaces. Nous avançons maison par maison. Peu avant de rejoindre la route qui vient de VITTEL et par laquelle arrivent des éléments du 501 et d'autres du G.T.V., René marche devant l'A.M., son colt à la main. Brusquement, le colt lui saute de la main, tournoie en l'air pour se retrouver plusieurs mètres plus loin sur sa droite. Un allemand visait René. La balle avait arraché l'œilleton de son colt. Peu après, des voix, presque des cris se font entendre derrière les volets d'une maison de droite. René frappe à ces volets. Quel n'est pas notre étonnement de voir apparaître de la gent féminine… ce couleur noire, dans ce bled vosgien!
Enfin, la jonction se fait avec les chars du 501. Il nous a fallu près de trois heures pour remplir notre mission. Dans son journal de marche, le Capitaine LUCIEN fait état de 15 Allemands tués par le 3ème peloton.
La journée n'est pas terminée. Il s'agit maintenant de récupérer l'A.M. de Bernard. Nous reprenons à quelques-uns la direction de DOMJULIEN. Dans un tournant, un calot rouge derrière une mitrailleuse. C'est Jo RENUCCI, le tireur de Bernard qui a réussi à extirper son arme pour l'utiliser si besoin en était.
L'obusier de FERYN se place au bord de la route à l'endroit où FOUCHER l'avait quittée. Mise en place des câbles. Et l'obusier remet sur ses roues l'A.M. qui était complètement retournée. C'est inimaginable tout ce qu'une A.M. peut contenir! Toute une partie se retrouve entre les arbres, avec l'huile et l'essence, obéissant aux lois de la pesanteur.
L'A.M. a bon caractère: niveau du moteur rétabli, quelques jerrycans d'essence et le moteur repart. Passant par là l'année après la guerre, j'ai retrouvé quelques morceaux du filet de camouflage et d'autres bricoles dispersées dans la végétation.
Au moment de repartir sur REMONCOURT, l'un de nous propose un tour à DOMJULIEN: "Dis donc, les gens nous ont bien accueillis tout à l'heure. Et ton collègue, le curé, avait l'air bien sympathique. On y va?". Et nous voici à DOMJULIEN. Pendant que nous racontons la libération de REMONCOURT, un vin généreux arrose les tartes à mirabelles préparées depuis notre passage en début d'après-midi. Le curé et ses ouailles sont vraiment sympathiques. Nous repartons bien restaurés et les A.M. bien garnies de ce qu'il faut pour faire descendre tartes et gâteaux.
À REMONCOURT, les F.F.I. défilent, fiers de cette libération où ils avaient brillé par leur absence. Nous mettons fin rapidement à cette plaisanterie de mauvais goût.
Le soir, la famille qui nous invite s'en vient à déplorer qu'avant leur départ les Allemands ont trouvé le moyen d'envoyer un obus dans leur maison, obus qui a traversé la porte d'entrée, de biais, la porte de la cuisine, pour terminer sa course dans la batterie de cuisine accrochée au mur. Les débris sont encore là, et nous y trouvons un 37, un de ceux que P'tit Louis avait envoyés sur le "lieutenant à la grenade". Il nous semble préférable de ne pas donner de précisions et de laisser croire…
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| | | Jean PFLIEGER Rang: Administrateur
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| Sujet: 14 septembre 1944 Dim 14 Sep 2014 - 10:25 | |
| Jeudi 14 septembre 1944
Dans la matinée, nous partons en direction de MATTAINCOURT pour revenir à REMONCOURT. La direction de la "Simone" laisse à désirer. Elle se ressent probablement du 88 de LA CROIX DE BERNY. L'après-midi, alors que le peloton se dirige sur VELOTE, je suis envoyé à VITTEL pour faire réparer l'A.M. à l'E.R. 1.
Je rejoindrai le peloton à JORXEY, le dimanche 17 septembre, en début d'après-midi. Ainsi, j'ai raté l'épopée de CHÂTEL-SUR-MOSELLE, où le peloton s'est magnifiquement distingué et qui a valu à Pierre REVERCHON de se retrouver au Val de Grâce pour de longs mois.
Pendant que les mécanos remettent la "Simone" en état, je file à CONTREXÉVILLE chez des amis de ma famille, le boulanger DESSEZ. Avec la moto du papa Gabriel, j'essaye, en vain, de retrouver nos blessés et disparus de SAINT-REMIMONT: Georges BOUVIER, Pierre MERCINIER, Jean SERVOT et Jacques BEINISCH. Mais il y a tellement d'antennes chirurgicales et d'hôpitaux. Et je n'ai aucun renseignement. Pierre MERCINIER nous rejoindra en mai 1945. J'ai retrouvé Georges BOUVIER en novembre 1979 et Jean SERVOT en novembre 1984. Jacques BEINISCH reste introuvable. Pierre BELLEMARE pourrait s'en occuper…
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| Sujet: Re: Spahi Roger MARION (3/3/1er RMSM) Lun 15 Sep 2014 - 16:50 | |
| [Vendredi 15 septembre 1944]
Le 15 septembre, à CONTREXÉVILLE, je rencontre le Père HOUCHET. Ce sera la dernière fois. J'ai relaté ce qu'il m'avait appris sur la journée du 26 août.
NDLR: Le Père Houchet sera tué à la libération de Strasbourg le 23 novembre 1944.
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| Sujet: 19-22 septembre 1944 Mer 24 Sep 2014 - 17:07 | |
| Lundi 18 septembre 1944
L'après-midi, nous quittons JORXEY. Par une route en piteux état, nous arrivons à NOMEXY. Une patrouille à FRIZON, où nous ne voyons aucun "frizou". Le soir, nous campons dans une petite usine à l'entrée de NOMEXY.
Mardi 19 septembre 1944
Depuis le matin, l'artillerie allemande bombarde le pont rétabli par le Génie sur la Moselle. De garde de 6h00 à 7h30, celà ne me réveille pas. Nous apprendrons que le Génie subira de grosses pertes. On attend. NANCY n'est qu'à une cinquantaine de kilomètres… Vers 15 heures, nous franchissons la Moselle par le gué. Le peloton est rattaché au sous-groupement PUTZ. Nous traversons CHÂTEL-SUR-MOSELLE, REHAINCOURT pour nous arrêter à HAILLAINVILLE. Bernard de la MOTTE arrive, s'appuie sur le blindage, près de la sirène et je l'entends encore nous annoncer que son jeune frère Jacques (5ème escadron) vient d'être blessé mortellement à MORIVILLE. Le soir, la "Simone" est à la sortie d'HALLAINVILLE, en direction d'ESSEY-LA-COTE: 4 kilomètres, mais déjà en Meurthe-et-Moselle. Ce village me rappelle deux amies d'enfance que je pourrai retrouver demain. Pour terminer la journée, Jiji (DUFOSSÉ, alias JANICOT) vient d'arroser les 17 ans qu'il a eus hier. Pour calmer ses velleités de jouer au cow-boy avec son revolver, je le "rachève" à la mirabelle et je le couche sur la plage arrière de l'A.M. Au petit matin, la pluie le remettra en forme.
Vendredi 22 septembre 1944
Le peloton quitte HAILLAINVILLE pour HADIGNY-LES-VERRIERES où tout l'escadron est groupé. Nous commençons à nous mettre en route au moment où le G.T.L. traverse HAILLAINVILLE. Notre "lance-patates" bloque le convoi, ce qui vaut un dialogue émaillé entre notre bricart-chef FERYN et le colonel de LANGLADE qui, au carrefour tout proche, surveillait la bonne marche de ses blindés.
Le séjour à HADIGNY (les "VITRIÈRES" version PAVIA) dure jusqu'à la fin du mois. Chaque soir, nous posons des mines à la sortie, en direction de BADMÉNIL-AUX-BOIS. Un certain lundi, Raphaël apprend, à ses dépens, le fonctionnement d'une Panzerfaust qu'il venait de récupérer.
Des habitants nous offrent l'hospitalité. Nous retrouvons la joie de dormir dans un lit. Jean BEYLER loge au presbytère. Monsieur le Curé est prisonnier. Sa mère est restée.
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| Sujet: Re: Spahi Roger MARION (3/3/1er RMSM) Jeu 25 Sep 2014 - 21:13 | |
| [Lundi 25 septembre 1944]
Me voici invité le lundi 25, en tant que séminariste. À la fin du repas, Madame KELLER nous montre la photo de son fils parmi les prisonniers d'une chambre de l'Oflag X B. Le monde est vraiment petit: Jean y retrouve son père, commandant d'active et responsable de la chambre. Et j'y reconnais deux amis séminaristes de NANCY, les lieutenants Émile CHONE et Charles HOUIN. Après la guerre, l'abbé François KELLER, (actuellement à LA BRESSE), assistera à l'ordination de ses deux lieutenants à NANCY et il recevra chez lui les parents de Jean BEYLER (qui sera tué le 10 novembre à BROUVILLE).
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| Sujet: 28 septembre 1944 Dim 28 Sep 2014 - 6:55 | |
| [Jeudi 28 septembre 1944]
À part les gardes et l'entretien de l'A.M., peu d'occupations. Les Allemands sont proches. Mais nous n'avons pas mission d'attaquer. Pourquoi ne pas profiter de cette accalmie pour pousser une petite "reconnaissance" personnelle vers NANCY. J'avais toujours dit à René que j'arriverais à NANCY avant qu'il n'aille à BREST. Aujourd'hui, jeudi 28 septembre, il me dit: "À ta place, il y a longtemps depuis que nous sommes en Lorraine, j'y serais allé. On s'arrangera pour les tours de garde."
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| | | Jean PFLIEGER Rang: Administrateur
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| Sujet: 29 septembre 1944 Lun 29 Sep 2014 - 18:32 | |
| [Vendredi 29 septembre 1944?]
Avec Roland LAMBOLEZ, sur la GNÔME-ET-RHÔNE piquée aux Allemands à HAILLAINVILLE, direction GERBÉVILLER, LUNÉVILLE (arrêt chez les amis HAGEN), NANCY. Nous apprenons que PAGNY-SUR-MOSELLE est libérée depuis le 16 septembre. En route, par LIVERDUN: le pont sur la Moselle entre FROUARD et POMPEY est sauté. Joie de retrouver nos familles après 15 mois de séparation et sans nouvelles. Nous ne restons que 3/4 d'heure à PAGNY pour un arrêt à POMPEY chez les parents de Roland. Pour gagner du temps, je traverse la Moselle entre POMPEY et FROUARD sur la planche qui sert aux piétons. Un peu de repos chez les amis SEITZ à NANCY, mais il faut repartir "avant les aurores". Réservoir à sec. Le seul véhicule que nous trouvons pour y remédier est un … gazogène!!! Il ne nous reste qu'à faire du stop. À 11 heures, nous sommes à HADIGNY. La solidarité est remarquable au peloton. Le seul à ne pas être au courant de notre fugue, c'est le Chef de peloton! À 14 heures, comme si de rien n'était, je pars en patrouille à la Ferme "La Campagne". Rencontre avec des F.F.I., plus sympathiques et efficaces que ceux de REMONCOURT.
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| Sujet: 30 septembre 1944 Mar 30 Sep 2014 - 13:05 | |
| [Samedi 30 septembre 1944]
Le lendemain, samedi 30 septembre, avec Roland, nous pensons que l'escadron ne peut être engagé un dimanche, et nous reprenons la direction du nord, en stop, cette fois, pour ne pas être retardé par une panne éventuelle. Roland reste à LUNÉVILLE chez les amis HAGEN. Je pousse jusque NANCY: un tour dans la famille de maman à LAXOU, chez le Supérieur du Grand Séminaire, le Père B.
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| Sujet: 1er octobre 1944 Mer 1 Oct 2014 - 15:10 | |
| [Dimanche 1er octobre 1944]
Le dimanche après-midi, je quitte la famille SEITZ, je récupère Roland et quand nous arrivons, le dimanche 1er octobre, en fin d'après-midi, à HADIGNY, nous découvrons un village "mort". Plus un seul véhicule. Portes et fenêtres fermées. Où est donc passé le 3ème Escadron? Finalement, nous découvrons un paysan qui nous apprend le départ de l'escadron à 8 heures du matin et nous remet l'itinéraire prévu, laissé par un gars du P.H.R. à l'intention des amis absents au moment de la mise en route, car nous n'étions pas les seuls: entre autres, P'tit Louis, Poupon…
Direction XAFFÉVILLERS: une vingtaine de kilomètres seulement, mais… Fort heureusement, une Jeep nous prend en charge. C'est un Capitaine du R.M.T. Nos tenues de sortie, toutes propres et bien repassées, contrastent avec son treillis. Il me semble préférable de lui dire la vérité. J'aimerais retrouver ce Capitaine dont j'ignore le nom. "Si vous étiez de ma Compagnie, je vous fouterais dedans. Mais, comme vous n'êtes pas de chez moi, montez. Pour ne pas avoir d'histoires avec votre Capitaine, je vous lâcherai un peu avant XAFFÉVILLERS." Il nous apprend que ça chauffe dans le coin. Avant de nous larguer, il nous indique le mot de passe. "Merci, mon Capitaine!"
Vers 18 heures, nous sommes enfin dans ce bled. Le plus vite possible, je retrouve René qui pousse un soupir de soulagement: "Va te présenter à LA MOTTE. Il est furieux après toi." Je reçois un bon savon: "J'avais confiance en toi. Tu fais bien ton boulot de conducteur de l'A.M. de pointe. Tu es séminariste et tu trouves le moyen de te barrer! Je ne peux pas te donner de tour de garde supplémentaire avec ta fonction. La taule, tu t'en fous! Comme punition, tu partiras le dernier du peloton en permission." Je comprends l'embarras dans lequel nous avions mis l'aspi, car au départ d'HADIGNY, plusieurs équipages étaient incomplets, dont l'A.M. de pointe et l'obusier. C'est peut-être grâce à quoi le peloton ne fut pas engagé à ANGLEMONT. (Bernard m'a précisé le 2 septembre 1985 qu'il avait refusé cette mission.)
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| | | Jean PFLIEGER Rang: Administrateur
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| Sujet: 2 octobre 1944 Jeu 2 Oct 2014 - 15:42 | |
| Lundi 2 octobre 1944
Depuis la veille, le 2ème peloton mène un dur combat à ANGLEMONT. "Bobing" (DESSAUGE) et DRAÏ, enlisés, réussisent à démolir deux chars allemands avec le 37 de leur A.M. Mais il y a 3 tués dont l'Aspirant DELAHAYE, 4 disparus: le Lieutenant GENDRON, blessé, sera fait prisonnier, les 3 autres seront tués dont Maurice GILBERT (MdL Chef), grand ami de René TROËL et plusieurs blessés.
Ordre de départ dans l'après-midi, puis contre ordre. Nous admirons au passage la conscience professionnelle du Trésorier qui nous apporte la solde. Comme 1ère Classe, j'ai droit à 956 Francs.
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| | | Jean PFLIEGER Rang: Administrateur
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| Sujet: 3 octobre 1944 Ven 3 Oct 2014 - 7:50 | |
| Mardi 3 octobre 1944
L'après-midi, dans un petit village voisin, enterrement des tués de ces deux derniers jours. Avec Rolant, P'tit Louis et je ne sais plus lequel, nous portons le cercueil de l'Aspirant DELAHAYE.
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| | | Jean PFLIEGER Rang: Administrateur
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| Sujet: 4 octobre 1944 Sam 4 Oct 2014 - 20:17 | |
| Mercredi 4 octobre 1944
Le matin, nous quittons XAFFÉVILLER et par une très mauvaise route, nous retrouvons HAILLAINVILLE, où nous resterons jusqu'au 30 octobre.
Pour le Peloton de LA MOTTE, HAILLAINVILLE, c'est la Mère COSSERAT, c'est la MADO. Il faudrait tout un chapitre pour en relater les aventures. Bien des épisodes seraient classés X.
Un jour, "Frère Roland de la Miséricorde" découvre une quarantaine de bouteilles de mirabelle dans la cave de la Mère COSSERAT. Quand les voisins l'apprennent, leur réponse est encourageante. Elle ne peut pas se plaindre d'avoir été volée, car, chaque hiver, tel Monsieur le Curé pour la collecte du Denier du Clergé, elle faisait sa tournée… pour quémander ce précieux élixir lorrain: "Je n'ai plus de mirabelle pour me faire des grogs." Je ne sais le nombre de grogs qu'elle a pu se faire. Mais ce qui est sûr, c'est que le peloton a gardé son tonus, grâce à la gnôle de la Mère COSSERAT. Il en restait encore pour partir vers BACCARAT.
Les familles sont très sympathiques. Avec P'tit Louis, Poupon VIARD et le "grand DELORME", il nous est même arrivé de donner un coup de main, chez CHANAL et chez PAQUIN, pour les vendanges et pour l'arrachage des pommes de terre. Chaque équipage garde un excellent souvenir de la famille qui nous loge et souvent nous invite à sa table, quand une bonne partie du peloton ne se retrouve pas ches COSSERAT. La "SIMONE" est chez CHANAL, cultivateur, quatre enfants. L'équipage de Jean BEYLER est chez DRAND, en face. Des séances de tir à la 12,7, près de SAINT-BOINGT, améliorent l'ordinaire le jour où des chevreuils s'égarent dans ce qui sert de champ de tir.
Dernière édition par Jean PFLIEGER le Mer 8 Oct 2014 - 10:23, édité 1 fois | |
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