Bonsoir,
Voici déjà le chapître de sa mort extrait du livre " Le chemin le plus long"
Cordialement
Alain Le Floch
MORT DE MACZOUME
L’équipage du El Alamein et celui du El Outid sont à l’abri dans une grange aux murs solides et au toit fragile. A l’abri de la pluie, naturellement. Mais les murs protègent aussi des éclats.
-J’ai faim, dit Maczoumé, le radio, alors que les autres s’installent pour dormir. Je vais jusqu’au char chercher du cho-colat.
-Reste ici, Gilbert ! lance Berrué, le pilote, tu vas te faire démolir pour rien.
Gilbert fait la gueule.
-J’ai faim...
Il a encore des airs d’enfant, du haut de ses 19 ans. Il a faim de chocolat, et voilà tout.
-Ton père t’a confié à nous, répète Ulrich pour la Ne fois.
Il est vrai que sa mère n’a pu le faire, car elle ne parlait pas français. Le père, sous-officier de tirailleurs syriens, parlait un français rugueux mais correct. Il ne poussait nullement son fils à s’engager, en tout cas pas si jeune (17 ans). Mais il était tout de même impressionné par la détermination de son fils qui, après ses études chez les Bons Pères, ne rêvait que de Jeanne d’Arc et de Bayard.
Le prestige de la Compagnie a fait le reste. En fait c’est Maurice Perry qui l’a adopté en le prenant comme radio sur son Crusader en Égypte. Berrué a pris sa succession mais sans avoir, naturellement, l’autorité du patriarche.
-Écoute, ça se calme. Le char est à 10 mètres. Je reviens tout de suite...
Il n’a pas fait trois pas au dehors que la déflagration d’un explosif ébranle la grange et fait bondir Touny qui le traîne dans l’abri et l’examine à la lanterne. Il est raidi dans sa souffrance.
On dirait pourtant qu’il n’a pas grand-chose...
En effet, on n’aperçoit guère que la pointe d’un éclat qui fait saillie en haut de la fesse gauche.
-Ne vous y fiez pas, dit l’infirmier Greenoch, aux copains ras-semblés en silence et au capitaine venu se rendre compte. Ces éclats sont comme des lames de faux zigzaguantes qui pénètrent profondément dans les viscères, alors qu’on ne sent que la pointe sous la peau.
L’ambulance part vers St-Maurice.
Le chérubin de Damas avait grandi depuis son incorporation, devenant un beau garçon grand et blond.
-Tu n’a pas l’air d’être de Damas, disaient les filles qui en étaient folles, en Angleterre.
-Je ne suis pas de Damas ! je suis d’Alexandrette, au fond du golfe, un territoire que les Français ont donné aux Turcs, on se demande vraiment pourquoi... Sinon, je ne serais jamais venu à Damas. Mon père était déjà dans l’armée française...
Ils n’ont pas oublié le collégien du quartier chrétien de Damas qui voulait revêtir l’armure des croisés. Il faut quand même dormir dans la lourde obscurité de la grange, à une dizaine de kilomètres à peine de Damas-aux-Bois, sur lequel les inévitables plaisanteries ne lui avaient pas été épargnées.