Jean PAISANT (RBFM)

Jean PAISANT (RBFM)

Il m'a été confié une enveloppe contenant quelques photos d'un ancien du RBFM.

Vous savez, de ces petites photos comme on faisait à l'époque:
certaines sont si pâles qu'on se demande si ça vaut la peine de les scanner,
et puis le miracle de l'informatique leur redonne vie!
Et d'autres plus grandes, mais qui ont été tellement manipulées, pliées,
accrochées, regardées, qu'il en manque des morceaux…

Photos témoins des pages ô combien douloureuses de notre Marine Nationale en 1940
et de ces marins qui ont eu malgré tout le courage de combattre après
aux côtés ceux qui ont coulé leurs navires…

Ces souvenirs étaient si intenses qu'on n'osait pas lui demander d'en parler:
l'émotion était trop grande pour lui.
Alors il nous laisse la tâche de deviner son histoire…

J'espère ne pas trahir sa mémoire en vous les présentant.

Son histoire commença à 13 ans comme mousse, vers 1932 donc,
puisqu'il est né le 2 novembre 1919 à Saint Vaast la Hougue.

Il a gardé une magnifique photo de 16,5 par 21,5 cm,
mais n'est pas dessus:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan10

Photo n° 1 © Jean PFLIEGER

Un gros tampon au dos:
Henri Manuel 27 rue du Faubourg Montmartre.
C'était un photographe renommé qui s'installa en 1925
& travailla notamment pour Chanel & Lanvin, mais aussi pour les institutions.
Son studio fut vendu en 1941. (D'après cet article.)

Il s'agit du Croiseur TOURVILLE:
on lit ce nom sur la bande de bachi et on reconnait la tape de bouche.
(cf. cette page internet.)

A-t'il été sur ce navire à un moment ou un autre?

Son numéro de matricule est: 701 C 39
Il a donc été incorporé à Cherbourg en 1939.

Les heures tragiques:

Une petite photo de 5 par 6 cm porte en légende:
«Pauillac 23 juin 40 - Plein de mazout
ainsi que le torpilleur "LANSQUENET" échappé à l'ennemi»:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan11

Photo n° 2 © Jean PFLIEGER

Pauillac n'est pas qu'un vignoble réputé de Médoc…
C'est aussi un port de l'estuaire de la Gironde où mouillaient de nombreux navires.
Or le torpilleur Lansquenet qui était en cours de construction appareilla de Bordeaux le 21 juin 1940
et s'amarra à Pauillac pour y faire les pleins de mazout, d'eau et de vivres.
Il quitta Pauillac le 23 à 6h00 précédé du patrouilleur auxiliaire Hardi II,
et mit cap au large le 24 avec le dernier paquebot chargé de troupes pour Casablanca.
Avec l'armistice, aucun navire ne pourra plus appareiller, il était temps!
(Lire cet article & ce récit très détaillé de la fuite du Lansquenet).

Jean Paisant a donc été témoin de cette journée mémorable, mais sur quel navire?

On trouve un récit de ces jounées page 13 du petit livre écrit par Jean-Marie THOMAS,
lui aussi ancien du RBFM:
«Un marin dans la 2^e D.B. - Mémoires d'un plouërais».

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Cette photo en apparence anodine cache un drame:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan12

Photo n° 3 © Jean PFLIEGER

on y lit au dos:
«Mers-el-Kebir - 19 juillet 40
Début d'une gerbe de mine magnétique anglaise».

Mers-el-Kébir, ce nom résonne comme le glas:
le 3 juillet 1940, la marine anglaise ouvrit le feu sur les navires français, tuant 1300 marins.
(cf. le sujet ouvert sur ce forum.)

Pourquoi cette photo est-elle datée du 19 juillet?
A-t'il été là le 3 juillet?
L'aviation anglaise est revenue mitrailler le port le 6 juillet.
Y a-t'il eu une nouvelle attaque le 19?
Ou bien est-ce une des mines larguées le 3 qu'on fait sauter pour libérer l'entrèe du port?

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Encore deux photos qui évoquent un évènement grave:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan13

Photo n° 4 © Jean PFLIEGER

on lit au dos:
«Dakar R.D. (?) 380
Sur l'épave du sous-marin "Persée" coulé le 23 semtembre 40 à Dakar par les Anglais».

Jean PAISANT (RBFM) Paisan14

Photo n° 5 © Jean PFLIEGER

«Dakar le 24 septembre 40
Une salve de 4 obus de 152 des (?) anglais encadre le contre torpilleur "Le Malin"».

On pourra consulter ce site très complet sur cet épisode fraticide,
et le site ALAMER.

Sur le paquebot Wyoming:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan15

Photo n° 6 © Jean PFLIEGER

«En convoi sur le paquebot "Wyoming" le 18 juin 41
notre escorteur le torpilleur "FRONDEUR"».

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Jean PAISANT (RBFM) Paisan16

Photo n° 7 © Jean PFLIEGER

«24 juin 41 sur le "Wyoming"
y'a de la joie».

Où vont-ils si joyeux?

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Jean PAISANT se trouve à gauche sur cette photo,
il a une cigarette à la main:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan17

Photo n° 8 © Jean PFLIEGER

Un matricule figure au dos de cette photo: 1119 BIZ 42
Il désigne un marin incorporé à Bizerte en 1942…
Un ami à lui?

Ainsi s'achève la période embarquée de notre ancien.

Des marins ont fait partie du Bataillon de Bizerte,
formation de Fusiliers Marins qui combattront en Tunisie
avant de rejoindre le RBFM lors de sa création.
Ainsi Jean-Marie Thomas, dont j'ai parlé plus haut,
et qui a vu son bateau "La Tramontane" couler le 7 novembre 1942.
Peut-être que Jean Paisant a suivi un chemin similaire?

En tous cas, nous le retrouverons bientôt au sein du RBFM…

à suivre…

je n'habite pas très loin de St Vaast la Hougue, je vais essayer de glaner des infos.

on trouve Jean Paisant ici dans un rôle du RBFM http://alamer.fr/index.php?NIUpage=35&Param1=421

Merci Jean-Yann.

Bien sûr, on le trouve aussi dans l'annuaire des anciens de 1949…

Super ce site "ALAMER"…!

Langue pendue Nombre de messages : 3236 Date d'inscription : 17/01/2006

Bonjour tout le monde,

merci Jean pour ce reportage poignant d'un épisode douloureux de notre Marine. Les photos "dans leur jus" sont d'autant plus forte. Vivement la suite.

Crdlt
Laurent

Que vous dire sinon mille fois merci
Que d'émotion de voir mon père
Vous avez fait un vrai miracle avec de petites photos
Toute ma gratitude pour lui
Mes amitiés

au RBFM:

Pas de chance!
Il n'y a plus de légendes au dos de ces petites photos de 5,5 par 6 cm…
Alors les voici sans ordre précis:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan18

Photo n° 9 © Jean PFLIEGER

Jean PAISANT adossé à une colonne, mais où?

Jean PAISANT (RBFM) Paisan19

Photo n° 10 © Jean PFLIEGER

Le Tank-Destroyer M10:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan21

Photo n° 11 © Jean PFLIEGER

La mitrailleuse Browning M2 de 12,7 mm (calibre 50) de tourelle du TD:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan20

Photo n° 12 © Jean PFLIEGER

Jean PAISANT (RBFM) Paisan22

Photo n° 13 © Jean PFLIEGER

Le Chasseur de chars aurait-il touché au but l'un de ces chars Panther?

Celui-ci a le canon tourné vers l'arrière semble-t'il:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan23

Photo n° 14 © Jean PFLIEGER

Celui-là a le canon dirigé vers l'avant du char (merci Auffret pour cette remarque).
Toits à forte pente & il n'a pas l'air de faire chaud,
on pourrait bien être en Alsace:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan24

Photo n° 15 © Jean PFLIEGER

Nous voyons le contrepoids de tourelle du Tank-Destroyer:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan25

Photo n° 16 © Jean PFLIEGER

On dirait un char léger M5, il y a de la neige…

Jean PAISANT (RBFM) Paisan26

Photo n° 17 © Jean PFLIEGER

Voilà LA PHOTO la plus instructive peut-être de cette série!
On y lit en effet le nom du TD sur le côté: NARVAL:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan27

Photo n° 18 © Jean PFLIEGER

Mais voilà: on trouve bien ce nom dans l'index de l'album mémorial d'Alain Eymard,
mais quand on lit les pages consacrées au RBFM, on ne le trouve affecté nulle part…
Son nom se marie bien avec celui des TD du 2^ème peloton du 2^ème escadron:
Phoque, Morse, Marsouin & Souffleur.

En observant bien cette photo, on remarque que les 2 TD sont collés l'un derrière l'autre,
comme s'ils étaient sur un wagon…
En ce cas, cette photo serait probablement prise vers avril 1945,
lors des déplacements pour le centre de la France.
On dirait qu'ils rangent des affaires dans la tourelle.
Certains sont assis sur le tube du canon.
Et en plus, on peut lire certains chiffres de l'immatriculation
de chaque côté du pied le plus bas: 1 ? 054
Et par chance, la photo suivante donne les mêmes chiffres & au complet cette fois:
1001054, ce qui est typique de la 3^ème génération de véhicules affectés à la DB
comme me l'a expliqué Laurent Fournier:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan28

Photo n° 19 © Jean PFLIEGER

Nous sommes donc bien sur les derniers mois de la guerre.
La colonne de TD est visiblement en déplacement hors zone de combats:
les canons sont rangés sur l'arrière, emmaillotés, les paquetages biens ficelés.

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Jean PAISANT est sur la gauche de la photo:

Jean PAISANT (RBFM) Paisan29

Photo n° 20 © Jean PFLIEGER

Et qui fume la pipe?
Mais non, vous ne rêvez pas!
C'est bien le second maître Jean Moncorgé, alias Jean Gabin!

à suivre…

Merci à Danny et à Jean pour ces émouvants témoignages.

formidable reportage, on fait un bon direct il y 70 ans !

Langue pendue Nombre de messages : 3236 Date d'inscription : 17/01/2006

Re,

formidable reportage, ça c'est du scoop.

Laurent

photo n°9, un homme à képi blanc près du mat semble attirer l'attention de tous : une photo du général prise à la volée lors d'une visite imprévue ?

sur la photo 15, un autre panther, tourelle à midi cette fois

Merci Auffret pour la remarque: j'ai apporté des précisions dans le texte.
Je n'avais pas fait attention qu'on voyait l'arrière du Panther sur la photo 14,
ce sont donc 2 chars Panther différents (à moins qu'on n'ait retourné la tourelle…).
Les maisons en arrière plan ont l'air du même style, même pente de toits.

Langue pendue Nombre de messages : 3236 Date d'inscription : 17/01/2006

Bonjour,

Oui la n°17 montre bien un M5A1, nous sommes en Alsace, comme celle avec l'officier du RBFM, on doit être au même endroit, donc après la libération de Strasbourg. Par contre la photo avec les hommes sur le Panther n'a pas été prise en Alsace, nous sommes plutôt en Lorraine les hommes ne sont pas chaudement vêtus comme en Alsace, si vous avez des livres sur les combats d'Alsace vous verrez qu'ils sont plus vêtus.

A+
Laurent

Bonjour Laurent,

(photos 14 & 15) Les villages lorrains typiques ne ressemblent pas à ça en général.
Il y a une grande rue principale, très large pour mettre le tas de fumier sur le "trottoir",
et les fermes sont mitoyennes, assez basses, avec une large porte cochère formant un arc pour entrer les charettes de foin.
Ce système de rue unique permettait autrefois d'en fermer les extrémités pour se protéger en cas de guerre.
Les toitures ont moins de pente, et sont dans l'autre sens.
À Dompaire, on a aussi des toitures à pente plus faible.
Ça me fait vraiment plutôt penser à l'Alsace…
Il faut continuer à chercher.

la photo 9 pourrait être en Angleterre, un parc de château ?

Mers-el-Kebir: cela fait 74 ans aujourd'hui...

photo n°10, J. Paisant porte la fourragère rouge du RBFM que Leclerc leur a interdit de porter le 12 avril 1944 jusqu'à... nouvel ordre.

donc photo prise avant je pense, d'autant que l décor fait penser à une grande ville d'Afrique du Nord (stores semi-baissés aux fenêtres).

le pied du réverbère est assez typique, mais pas trouvé l'équivalent.

Langue pendue Nombre de messages : 1373 Date d'inscription : 22/10/2017

Bonsoir mon cher Jean PFLIEGER , je suis entrain de passer au peigne fin le Forum la Guitoune depuis la page 1 a 94 or a la page 48 il y a un post intitule " Jean PAISANT " et toute une serie de photos numerotees 1 a 20 : je pense que la 10 avec PAISANT devant une colonne pourrait avoir ete prise devant l ' ecole militaire a Paris en aout 44 , bonne soiree Alain .

Merci, Alain, pour le travail titanesque que vous faites.
Voilà ce qu'on appelle des vacances bien occupées!

jean-yann a écrit:: photo n°10, J. Paisant porte la fourragère rouge du RBFM que Leclerc leur a interdit de porter le 12 avril 1944 jusqu'à... nouvel ordre.

donc photo prise avant je pense, d'autant que l décor fait penser à une grande ville d'Afrique du Nord (stores semi-baissés aux fenêtres).

le pied du réverbère est assez typique, mais pas trouvé l'équivalent.

à partir de quelle date ont-ils eu le droit de porter à nouveau la fourragère ?

Langue pendue Nombre de messages : 3236 Date d'inscription : 17/01/2006

Bonjour,

il me semble que Leclerc les a autorisé à porter la fourragère après la bataille de Dompaire, mais Eric Brunet pourrait le confirmer. Cela ne ressemble pas à l'Ecole Militaire.

Crdlt
Laurent F.

Bonjour à tous,

oui la fourragère avait été interdite de port par Leclerc à l'arrivée du RBFM dans la Division. Elle a été autorisée à nouveau suite à l'ordre du jour ci-dessous daté du 16 septembre 1944 :

Ordre du Jour n°53

Au cours des combats de Normandie et de Lorraine, le Régiment Blindé de Fusiliers Marins a donné la preuve de sa valeur militaire et de la bravoure de ses équipages.
Le Général est heureux de les autoriser désormais à porter la fourragère de la Légion d'Honneur des Fusiliers Marins de Dixmude, fourragère qui leur avait été attribuée au mois de mai 1944 par le Ministre.

Les Officiers, Officiers Mariniers, Matelots du Régiment Blindé des Fusiliers Marins, seront fiers, au côtés de leurs camarades actuellement embarqués d'avoir contribué à rétablir dans son prestige la Marine Française, après tant de douloureux souvenirs.

Q.G., le 16 septembre 1944
Le Général de Division LECLERC
Commandant la 2eme Division Blindée

Concernant Jean PAISANT, je dispose dans mes archives de quelques photos de lui, dont celle avec Gabin, mais je n'ai aucune information quant à son affectation au sein du régiment....

Eric

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